La lutte contre la désertification, une "urgence oubliée"
Par Anne CHAON
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PARIS (AFP) - La désertification qui touche près d'un tiers des terres émergées de la planète reste une cause négligée, bien qu'accentuée par le changement climatique qu'elle contribue aussi à accélérer, rappelle l'Onu à l'occasion de la journée qui lui est consacrée dimanche.
Depuis l'entrée en vigueur de la Convention des Nations unies sur la désertification en 1996, le 17 juin est l'occasion d'attirer l'attention sur un phénomène qui affecte plus de 1,2 milliard d'humains, en Chine, en Inde et au Pakistan, en Asie centrale, au Moyen-Orient et dans une majeure partie de l'Afrique ainsi qu'en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Brésil), selon l'Onu.
En 2000, 70 % des terres arides étaient touchées, soit 3,6 milliards d'hectares, répartis dans une centaine de pays qui accueillent les deux tiers des populations les plus pauvres du monde.
Les dernières perspectives des experts du Giec, le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat, sont alarmantes: recrudescence des sécheresses et des crues (qui érodent les sols), diminution du débit des grands fleuves et des précipitations annuelles moyennes.
Autant de facteurs propres à accroître la désertification, notamment en Afrique, où la sécurité alimentaire devrait être "sérieusement compromise", avec 80 à 200 millions de personnes supplémentaires confrontées aux famines d'ici 2080.
Mais à son tour, la désertification risque d'accélérer et d'amplifier le réchauffement: au lieu de capter le CO2 grâce au couvert végétal, les sols deviendraient émetteurs.
Pour autant, la désertification reste une "urgence oubliée", selon SOS-Sahel, fédération d'ONG impulsée après les grandes sécheresses des années 70 par le président sénégalais Leopold Sedar Senghor.
Il avait alors lancé: "Il faut arrêter le désert, sinon il chassera de chez eux 30 millions d'Africains".
A l'horizon 2025, ce sont "65 millions de réfugiés africains (qui) viendront frapper aux portes de l'Occident, poussés par la désertification", estimait récemment le ministre algérien de l'Aménagement du territoire Chérif Rahmani.
"La cause n'avance pas", déplore Marc Bied-Charreton, président du Comité scientifique français de la désertification (CSFD). Pourtant, le phénomène est réversible, et le combattre coûterait moins cher que d'en subir les conséquences, insiste-t-il.
Il faudrait 10 à 12 milliards de dollars par an pendant dix ans pour restaurer la fertilité des terres affectées, selon les estimations présentées en décembre par des économistes et la Banque mondiale. Alors que le coût actuel direct de la désertification, mesuré uniquement en perte de productivité agricole, est évalué à 60 mds USD par an, rappelle-t-il.
Depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, la communauté internationale s'est dotée de trois outils largement ratifiés par les Etats: la Convention de l'Onu sur les changements climatiques, celle sur la désertification et une autre sur la protection de la biodiversité.
Les Nations unies, qui veulent réaffirmer avec la Journée mondiale que la désertification "n'est pas une fatalité", appellent à davantage de synergie dans les trois combats menés encore séparément.
"Qu'on parle d'adaptation au titre de la Convention sur le climat ou de celle contre la désertification, c'est la même chose: il s'agit d'améliorer les conditions de vie d'un milliard d'individus qui vivent dans les terres arides. Ce qu'il faut, c'est renforcer les investissements", indique également M. Bied-Charreton.
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