Par Cédric Morin (Journaliste) 17H55 25/06/2007/Rue 89
C’est une première, au tribunal d’Evry, dans l’Essonne, mais elle a peu de chance de faire tâche d’huile. Vendredi, trois magistrats ont purement et simplement annulé la procédure à l’encontre d’une jeune femme qui passait à la barre en comparution immédiate. Les raisons? Les conditions de détention dans les geôles du parquet sont inhumaines et ne respectent pas la Convention européenne des droits de l’homme. La prévenue, jugée pour un vol mineur, n’avait pas de casier judiciaire et elle a dû patienter plusieurs heures dans une cellule non éclairée et au milieu d’odeurs d’urine et d’excréments…
Des conditions de détention indignes d’un pays civilisé que ne conteste pas le procureur d’Evry, qui a néanmoins fait appel de cette décision, prise par des juges expérimentés. "Comment expliquer aux victimes que la Justice décide tout bonnement d’annuler l’affaire en cours? Pourquoi les trois magistrats ont choisi ce dossier et pas un autre, dans la mesure où les conditions de détention sont les mêmes pour tous les détenus?"
C’est aussi la question que se pose le président de la Ligue des droits de l’homme, Jean-Pierre Dubois, tout en rappelant qu’il y a eu des précédents, notamment à Paris. "Malheureusement, vu l’état de vétusté de la majorité des tribunaux français, cette décision n’est pas étonnante. L’état des prisons et des dépôts est un scandale permanent, il y a quinze ans, deux rapports parlementaires ont conclu que nos maisons d’arrêt et centrales étaient 'la honte de la République'. Une enquête européenne a souligné, il y a deux ans, que les conditions de détention en France étaient les mêmes qu’en Lituanie. Pourtant le projet de loi de Rachida Dati ne prévoit pas plus de moyens pour permettre aux magistrats et à la Justice de travailler correctement", explique Jean-Pierre Dubois, qui redoute que cette décision ne soit un nouveau coup d’épée dans l’eau.
De son côté, Laurent Caruso, l’avocat, commis d’office, de la prévenue, qui a demandé aux juges de casser la procédure, espère que ce "coup de gueule" obligera le ministère à débloquer des moyens. Le bâtiment a été construit dans les années 70 et, depuis, la trentaine de cellules n’a jamais été rénovée. Des travaux sont pourtant prévus depuis huit ans, mais jusque-là le ministère n’a jamais débloqué le million d’euros nécessaire pour permettre à l’institution de respecter les plus élémentaires des droits de l ‘homme. Et du prisonnier.
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