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Amara à la chorba !
Amara à la chorba !
Chronique du Blédard lundi 25 juin 2007/Vu sur Bakchich
Enfin une bonne nouvelle ! La gauche, en général, et le parti socialiste, en particulier, sont enfin débarrassés de Fadela Amara, qui, comme tant d’autres affamés, n’a pas pu résister au fumet harponneur de la chorba sarkozyenne. Certains, toujours à gauche, se lamentent, hurlent à la trahison, dénoncent les manoeuvres de l’UMP et ses débauchages indus pour finir par traiter Amara de rénégate. Ils ont tort et leur colère n’en vaut vraiment pas la peine. C’est plutôt « bon débarras » qu’ils devraient chanter sur un air de satisfaction après un second tour pas aussi catastrophique que prévu.
Disons-le franchement, la figure incontournable de l’association « Ni putes ni soumises » (Npns, initiales un peu plus politiquement correctes), n’a pas l’envergure d’un Kouchner ou même d’un Besson. C’est une personnalité dont le discours approximatif et parfois incohérent ne m’a jamais convaincu. Bien au contraire, il y a beaucoup à dire sur la manière dont son organisation a été instrumentalisée au fil des polémiques et débats qu’a connus la France au cours des dernières années.
Mais revenons d’abord sur la réaction de certains socialistes vis-à-vis de cette défection. Le plus intéressant dans l’affaire, c’est que les propos que la presse a rapportés ici et là laissaient paraître une amertume bien particulière. « C’est nous qui l’avons faite, comment peut-elle nous trahir ainsi ? » est l’interrogation qui résume le mieux l’affliction de ces socialistes. Et, effectivement, cette question mérite d’être posée.
Certes, il n’est pas rare de voir en politique une créature échapper à ses géniteurs, mais dans le cas présent cela braque les projecteurs sur l’incapacité du PS à être lucide vis-à-vis de certains beurs et beurettes qui évoluent dans ses structures. Il y a quelques semaines, j’avais consacré une chronique à la rancoeur dont fait l’objet ce parti chez nombre de Français ayant des racines au Maghreb. Et justement, l’un des motifs de cette rancoeur résidait dans le fait que cette formation politique a souvent privilégié l’ascension de béni-oui-oui, venus à la soupe rose parce que c’est tout ce qui s’offrait à eux, jusqu’au jour où une meilleure opportunité s’offre à eux.
Comment peut-on se dire de gauche, affirmer que l’on défend « les quartiers » et rejoindre un gouvernement dont le véritable patron, c’est-à-dire le président en personne, a passé son temps à stigmatiser leurs habitants, évoquant les moutons égorgés dans les baignoires, accolant la question de l’identité française à celle de l’immigration et n’ayant jamais reconnu sa responsabilité, fût-elle indirecte, dans les émeutes de novembre 2005 ?
Eh bien, non, Amara nous explique qu’elle « reste de gauche » et qu’elle gardera « son franc-parler ». On verra bien...
Mais la raison essentielle pour laquelle je me réjouis du passage de la fondatrice de Npns dans l’autre camp, c’est que j’espère que cela va obliger le parti socialiste à réfléchir sur son discours et sur sa tendance à s’aliéner ce qui devrait normalement constituer une partie non négligeable de sa base. On a beaucoup dit au cours de la campagne électorale, reprenant en cela des conclusions qui avaient déjà été faites après la défaite de Jospin en 2002, que le PS ne s’adressait plus aux ouvriers et, de façons plus générales, aux classes populaires.
Si l’on admet une bonne fois pour toutes que les minorités qui habitent dans les banlieues font partie de ces classes populaires - et que parfois même, selon les régions, elles en représentent la partie essentielle -, on se rend compte que, non seulement les socialistes les ont ignorées mais qu’ils ont contribué eux aussi à les stigmatiser en fabriquant « ni putes ni soumises ».
Au départ de la création de cette association, il y avait une bonne idée. Celle de lutter contre le machisme dans les banlieues et d’aider les jeunes filles à pouvoir s’émanciper de leurs milieux familiaux, souvent conservateurs voire rétrogrades. Vaste tâche qui ne concerne pas seulement l’entourage. Par exemple, je fais partie de ceux qui affirment qu’un certain rap français, avec ses vidéoclips outranciers et sa glorification de la culture bling-bling (culture de la frime et du tape-à l’oeil vulgaire où le sexe, les diamants, le champagne et les embrouilles entre gangsters des ghettos tiennent une part essentielle des paroles et des images), est un véritable scandale car il exalte la misogynie et contribue à accroître les violences contre les femmes dans les quartiers.
Seulement voilà, Fadela Amara et son association ont contribué à stigmatiser « tous » les habitants mâles des banlieues.
A l’entendre, tous des brutes, tous des violeurs potentiels, tous des adeptes des tournantes et, plus récemment, tous des islamistes en puissance. D’ailleurs, à chaque fois que je lis où entends les propos de Npns, je repense à un texte de l’écrivain et journaliste (et chanteuse !) Souad Belhaddad qui, dans son livre « Entre deux je », raconte comment elle a eu, très tôt, l’intuition selon laquelle « les grands perdants » seraient les garçons des cités.
Je n’ai jamais entendu les représentants de Npns expliquer que la pratique des tournantes existe aussi dans les quartiers huppés ou que le trafic et la consommation de drogue ne sont pas l’apanage des banlieues. Je ne les ai jamais entendus rappeler que les femmes battues en France le sont partout et dans tous les milieux et qu’il est même possible qu’elles le soient plus dans le seizième arrondissement parisien qu’à Villetaneuse. Bien ou contraire, le discours sans nuance de Npns a toujours renforcé les clichés et les a priori négatifs sur les mâles vivant dans les quartiers populaires. En un mot, Amara a toujours servi le discours qu’on attendait d’elle et ce n’est donc pas une surprise pour moi de retrouver cette chérie des féministes germanopratines dans le Sarkoband.
D’ailleurs, à bien regarder ce gouvernement dit d’ouverture, on se rend compte d’une chose étonnante. Les représentants des minorités visibles sont uniquement des représentantes. On peut penser qu’il s’agit d’une simple coïncidence. Je ne le crois pas, cela relève d’un état d’esprit très présent chez les élites politiques françaises pour lesquelles il y a bien plus à espérer des femmes de banlieues que de leurs voyous de frères, cousins ou pères.
Paru dans le quotidien d’Oran du 22 juin
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