LE MONDE | 06.06.07 | 16h17 • Mis à jour le 06.06.07 | 16h17
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Au grand dam de la rappeuse marseillaise Keny Arkana, des chansons de son album, le brûlot altermondialiste Entre ciment et belle étoile, sorti en octobre 2006 et vendu à quelque 75 000 exemplaires, ont été pour la seconde fois détournées et manipulées par des militants d'extrême droite.
Des extraits de deux de ses titres, Victoria et Venez voir, dont la phrase "Des étrangers ont brûlé nos maisons pour voler nos terres", dénonçant à l'origine les méfaits du colonialisme, illustrent désormais un clip mêlant des images de cette pasionaria de 24 ans d'origine argentine et celles d'une agression contre une vieille dame, de combats dans les tranchées pendant la guerre de 1914-1918 et d'affiches de Jean-Marie Le Pen.
Le site du Front national (FN) du département de la Marne l'affichait encore le 4 juin sur sa page d'accueil : "Keny récidive pour le Front national !" Le clip a depuis disparu, mais reste accessible sur d'autres sites.
Le 18 avril, déjà, quelques jours avant l'élection présidentielle, alors que la jeune femme avait annulé ses concerts pour participer à des "forums populaires" de l'"Appel aux sans-voix", refusant toute affiliation aux partis politiques, elle avait eu la mauvaise surprise d'apprendre que le site du Front national des Alpes-Maritimes proposait une rubrique "Keny Arkana rappeuse nationaliste".
Le clip de son single, La Rage, collé à un autre de ses morceaux, Nettoyage au Kärcher ("C'est à l'Elysée que se trouve la plus grosse des racailles"), avait été remonté en incluant des animations montrant, entre autres, Le Pen en Monsieur Propre coursant Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. On y lisait aussi, par exemple, "Nik le système/Vote Jean-Marie Le Pen !"
Dans un communiqué, la rappeuse avait dénoncé "le détournement perfide et scandaleux de (sa) musique et de (son) message". Surtout, elle avait, dans les quarante-huit heures, trouvé les moyens d'écrire, d'enregistrer et de tourner le clip Le Front de la haine, réponse cinglante à cette manipulation.
Keny Arkana n'a jamais eu l'intention d'attaquer en justice, estimant qu'il ne valait pas la peine qu'elle gaspille son énergie. Mais sa maison de disque, Because, a lancé une procédure contre la fédération FN des Alpes-Maritimes, puis contre celle de la Marne.
Néanmois, la rapidité de transmission des images et des rumeurs sur le Web a favorisé la diffusion de ces images sur YouTube ou Dailymotion, provoquant suffisamment de confusions et de malentendus pour produire aujourd'hui plus de soixante-dix pages de polémiques sur le Net.
En plein enregistrement, à Marseille, d'un album concept, intitulé Désobéissance civile (à paraître en septembre ou en octobre prochain), Keny Arkana s'inquiète de cet acharnement : "Ce qui me fait le plus flipper, c'est que des nazis me prennent pour une des leurs et qu'une bande de skins se pointe à un de mes concerts." N'est-elle pas troublée que certaines de ses paroles puissent être ainsi récupérées ? "Nous n'avons rien à voir, assure-t-elle, ils prônent la haine nationaliste et xénophobe, je chante une révolution internationaliste, la solidarité et le métissage."
Stéphane Davet
Article paru dans l'édition du 07.06.07. Elections 2007 : Le Monde chez vous pour
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