par Yves Clarisse
LUXEMBOURG (Reuters) - La France a été rappelée lundi à ses obligations et à ses engagements de réduction des déficits publics par ses partenaires européens, qui redoutent l'impact budgétaire des mesures envisagées par Nicolas Sarkozy.
Les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis lundi avec leur nouveau collègue français, Jean-Louis Borloo.
Leur but était de rappeler à chacun l'engagement qu'ils ont pris en avril dernier à Berlin d'équilibrer les finances publiques en 2010 en tirant parti de la forte croissance économique actuelle -- 2,6% dans la zone euro cette année.
Car à peine arrivé au pouvoir Sarkozy a fait peu de cas de l'objectif 2010, puisqu'il a reporté à 2012, à la fin de son quinquennat, l'échéance pour l'équilibre des comptes.
Il a également jeté aux orties le programme de stabilité de la France qui a été approuvé le 30 janvier et qui prévoit une réduction importante du déficit dès 2007 afin de parvenir à un déficit proche de zéro et à un endettement inférieur à 60% du PIB à l'horizon de la fin de la décennie, et non en 2012.
En outre, le gouvernement entend engager très rapidement des dépenses importantes et se prépare à biffer nombre de recettes.
Bouclier fiscal, suppression des droits de succession, réduction de l'impôt sur les sociétés, déduction des intérêts de l'emprunt immobilier du revenu imposable, augmentation des dépenses de recherche et développement et exonération de charges sociales: tout cela coûtera cher.
"CRÉER UN CHOC DE CONFIANCE"
Le ministre français de l'Economie et des Finances, Jean-Louis Borloo, a expliqué cette stratégie, qui sera détaillée après les législatives, à son arrivée à Luxembourg.
"Vous savez que la France est de retour en Europe", a-t-il dit. "Ce que nous souhaitons, c'est créer un choc de confiance en France et je crois qu'il est là, mais le choc de confiance en France va aussi avec un choc de confiance avec nos partenaires."
Prié de dire s'il comptait rassurer ses partenaires européens lors de l'Eurogroupe, il a répondu: "Je crois qu'ils ne sont pas inquiets, ils sont heureux de voir la France dans une nouvelle donne, une nouvelle dynamique."
Cette assurance est peut-être prématurée.
Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, dont le pays préside actuellement l'UE, a aussi rappelé les engagements.
"Il y a une obligation qu'on a décidé de s'imposer selon laquelle tous les pays veulent ramener leur déficit structurel à zéro en 2010. C'est une décision", a-t-il déclaré.
Auparavant, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, avait tapé sur le même clou dans un discours prononcé devant un cercle de réflexion bruxellois.
"Nous avons un consensus (sur 2010), toutes les économies et tous les pays sont absolument d'accord pour considérer que c'est absolument essentiel pour la cohésion de la zone euro", a-t-il dit. "C'est donc un point très important."
Mais les partenaires européens de la France lui ont accordé le bénéfice du doute en attendant le programme du gouvernement après le second tour des élections législatives, le 17 juin.
PARIS SAIT "À QUOI S'EN TENIR"
Le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre et ministre des Finances luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a rappelé que le pacte de stabilité de l'euro obligeait les Etats membres à consolider leur déficit en période de vaches grasses.
"La France doit pleinement se conformer au pacte de croissance et de stabilité, toutes ces bonnes ou ces mauvaises idées doivent entrer dans les règles du pacte de croissance et de stabilité", a-t-il martelé. "Le pacte est le pacte."
Mais il a ajouté, comme s'il n'avait pas entendu les déclarations de Nicolas Sarkozy, n'avoir eu "aucune indication que la France, sous la direction du nouveau président et du nouveau premier ministre, veut s'éloigner de cette ligne."
"Je ne doute pas un seul instant que la France saura satisfaire aux exigences du pacte de stabilité", a-t-il expliqué en précisant que "M. Borloo a insisté sur le point que la France reste engagée à réduire le niveau de la dette et du déficit."
Il a toutefois démontré qu'un certain flou s'insinuait.
"En règle générale, le principe (de comptes équilibrés en 2010) fut reconfirmé", a-t-il ajouté avec un autre bémol: "En principe, nous en restons aux décisions prises à Berlin.
Juncker compte sur le fait que Borloo a écouté ses collègues et que, parmi ceux-ci, "aucun ne revenait sur ses engagements".
"Le gouvernement français à venir (...) saura exactement à quoi s'en tenir", a conclu le Premier ministre luxembourgeois.
C'est que la France est loin d'être dans une position aussi confortable que l'Allemagne, qui devrait cette année présenter un déficit d'à peine 0,6% du PIB, ce qui lui vaudra d'ailleurs de sortir officiellement mardi de la procédure pour "déficits excessifs" ouverte à son encontre en 2002.
A 2,4% de déficit prévu cette année, la France reste en effet le plus mauvais élève avec le Portugal, le déficit moyen pour la zone euro étant de 1% du PIB en 2007, et se trouve très près de la limite fatidique des 3% du PIB.
Ce cavalier seul annoncé est par ailleurs contradictoire avec la volonté affichée de faire de l'Eurogroupe un véritable forum de coordination des politiques économiques.
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