
S’ils ont donné, comme on s’y attendait, une large majorité à l’UMP, les électeurs ont refusé le chèque en blanc que le parti de Nicolas Sarkozy leur demandait, escomptant ainsi avoir les mains totalement libres. Le niveau d’abstention reste très élevé, confirmant que pour des millions d’électeurs l’essentiel s’est joué lors de la présidentielle. Mais les urnes ont envoyé hier un message de rééquilibrage. L’UMP semblait espérer une vague bleue qui la mène vers les 400 sièges de députés et amplifie les marges de manoeuvre dont elle disposait déjà depuis cinq ans. La situation sera inverse. La gauche disposera au total de plus de sièges qu’elle n’en avait durant le quinquennat écoulé. Les électeurs ont, semble-t-il, voulu donner à la gauche les moyens de se battre, ce qui prouve bien qu’à leurs yeux les choix du gouvernement doivent rester à tout moment discutables. Après la polémique de l’entre-deux-tours sur la TVA, c’est une leçon dont le nouveau pouvoir devra manifestement tenir compte. Non, Monsieur Sarkozy, tout ne vous sera pas possible !
Pour résister aux mauvais coups qui s’annoncent et promouvoir des propositions alternatives à cette politique, les électeurs, les salariés de notre pays pourront compter sur un groupe communiste. C’est une autre nouvelle importante de la soirée d’hier. Contrairement aux prévisions martelées dans l’entre-deux-tours, la disparition annoncée n’aura pas lieu. Les électeurs de gauche en ont voulu autrement. À l’heure où ces lignes sont écrites, on ne connaît pas le nombre exact de députés pouvant constituer ce groupe, mais on voit mal qui pourrait chipoter sur cette formation. Les résultats montrent que les sortants communistes ou les candidats qui leur succédaient réalisent au second tour des scores souvent très supérieurs au total des voix de gauche du premier tour, confirmant le solide ancrage de leurs circonscriptions à gauche et leurs capacités de rassemblement. Le résultat communiste confirme le message d’ensemble du second tour, marqué par une inquiétude déjà perceptible devant l’exercice absolu du pouvoir par Nicolas Sarkozy et son parti, et par la volonté de se doter de contre-pouvoirs pour y faire face.
Nul doute que l’UMP va minimiser le résultat d’hier et arguer de sa double victoire présidentielle et législative pour mettre en oeuvre à marche forcée ses projets et mener la session législative estivale à un train d’enfer. Les batailles ne vont pas manquer et elles vont venir très vite. Franchise médicale, blocage du SMIC, hausse de la TVA, cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus, exonérations de cotisations sociales patronales... les réalités qui se cachent derrière le slogan « travailler plus pour gagner plus » vont très vite faire mal à des millions de salariés si elles ne sont pas combattues avec la vigueur nécessaire. Des dossiers prudemment enterrés pendant la campagne électorale vont resurgir, comme la mise en cause des services publics, à commencer par l’énergie dont la déréglementation va entrer dans une nouvelle phase au 1er juillet. Sur tous ces dossiers, c’est une gauche combative dont les électeurs vont avoir besoin.
Mais face aux responsabilités que leur confère le résultat d’hier, toutes les forces de gauche devront désormais ouvrir en grand le débat sur les raisons des échecs qu’elles viennent de subir. Et en tirer les leçons pour reconstruire un projet capable de battre la droite au plus vite. Les citoyens de ce pays, jeunes, salariés, habitants des quartiers populaires, ont tout intérêt à ne pas attendre cinq ans pour se mêler de ce débat. Et la gauche à tout à gagner à leur implication
Editorial par Pierre Laurent
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