Personne n’a voulu prendre le risque. Et pourtant, dès juin 2005, comme le révèle Le Monde dans son édition du jeudi 7 juin, un rapport préconisait le remodelage en profondeur des circonscriptions électorales françaises. Rédigé sous la houlette de Pierre Bordry, conseiller d’Etat, ce rapport adressé à Dominique de Villepin, Premier ministre et au ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, mettait en évidence l’inadéquation du découpage des circonscriptions avec les évolutions démographiques du pays. En clair, certains départements ont aujourd’hui trop de députés et d’autres pas assez. En tout, 35 départements auraient dû être concernés par le redécoupage. Mais le gouvernement a préféré taire les conclusions du rapport.
Pour que l’Assemblée nationale soit véritablement à l’image du peuple français, il faut respecter le principe de représentativité. "L’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques", dit la Constitution. Mieux: les spécialistes estiment qu’une circonscription ne doit pas dépasser de plus de 20% la moyenne des circonscriptions du département (en nombre d’habitants). Or, ce rapport dévoile qu’à l’issue du recensement de 1999, 25 circonscriptions ont un écart supérieur à 20%. Et dans le sens contraire, 11 circonscriptions ont un écart négatif inférieur à 20%.
Dans l’ensemble, il aurait fallu reprendre les ciseaux électoraux que Charles Pasqua avait habilement maniés en 1986. Dans son livre de souvenirs politiques, "Ce que je sais… Les Atrides 1974-1988" (Seuil), l’ancien ministre de l’Intérieur souligne avec gourmandise que la loi électorale "garantissait, en conditions normales de scrutin, un tiers des sièges à la droite, avec un petit avantage au RPR (ce qui correspondait au rapport de forces dans le pays), un tiers à la gauche, l’attribution du dernier tiers résultant de la glorieuse incertitude du vote". Et de conclure avec malice dans une note de bas de page (p.175): "Bien qu’une remise à jour de ce texte en fonction des recensements ait été prévue, cette loi n’a pas été modifiée jusqu’à ce jour malgré les soubresauts de la vie politique." Visiblement, ni Dominique de Villepin, ni Nicolas Sarkozy n’ont souhaité suivre l’exemple du bon monsieur Pasqua. L’art du découpage n’appartient pas au premier venu…
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