Lu sur ContreInfo : "Le Washington Post sonne la fin de la récréation. La bulle inflationiste alimentée par le crédit facile, qui se traduit par une surévaluation des entreprises et des marchés boursiers est sur le point d’éclater.
Dans son édition du 13 juin le Washington Post publie un article de Steven Pearlstein titré Le boom des acquisitions sur le point d’éclater, mettant en garde contre un retournement de conjoncture qui selon lui ne saurait tarder. L’argent à bon marché a entrainé une inflation du prix des entreprises, et permis le montage d’opérations de type LBO [1] de plus en plus risquées. Mais la limite du système est atteinte, estime l’auteur, et le marché va se retourner.
Pour comprendre ce qu’est une bulle du crédit, comment elle crée une inflation du prix des actions et comment in fine elle explose, Pearlstein nous propose d’étudier l’un des derniers rachats effectué sur la place de New York, celui d’Avaya, un équipementier du secteur des télécoms.
Avaya devrait afficher un chiffre d’affaire de 5,4 milliards cette année, n’est pas endettée, et dispose de 825 millions de liquidités. Le résultat d’exploitation, c’est à dire le profit avant la déduction des impôts, intérêts et amortissements, devrait s’établir à 700 millions de dollars. Et si c’est le cas, cela signifie que le montant de la transaction 8,2 milliards de dollars equivaut à 12 ans de résultats d’exploitation, ce qui constitue l’un des montants les plus élevé enregistré.
Ce qui permet d’expliquer le prix payé c’est l’abondance de crédit à bon marché disponible. Bien que le montage de l’acquisition ne soit pas encore public, s’il correspond au format des dernières transactions, les acheteurs ont emprunté au moins 6 milliards. Compte tenu de la notation du risque attribuée à ce contrat, l’intérêt applicable sera de l’ordre de 8%, avec obligation de payer 1% du principal chaque année. Au total, Avaya devra honorer 540 millions de remboursement par an.
L’entreprise pourra-t-elle y faire face ? Il y a trois ans, l’agence de notation Standard & Poors avait calculé que pour une opération de LBO, le résultat d’exploitation était égal à 3,4 annuités de remboursement. Il y a deux ans, ce rapport n’était plus que de 2,4. A l’heure actuelle il est de 1,7.
Pour le rachat d’Avaya, il est tombé à 1,3, ne laissant qu’une faible marge en cas de perte de revenus ou de hausse des dépenses de l’entreprise, et bien peu pour investir.
Pearlstein considère qu’en temps normal, une telle opération n’aurait jamais pu être financée dans ces conditions. Les banquiers auraient du exiger un apport plus important de la part des acheteurs et concéder moins de crédit, ou bien demander une prime de risque plus forte, sous la forme d’intérêts plus élevès. Dans tous les cas de figure jamais les acheteurs n’auraient alors accepté ce prix de 8,2 milliards.
Mais, observe Pearlstein, ce type de contrats conclus pour un prix surévalué, et faisant appel au crédit pour un montant déraisonnable sont devenus monnaie courante. En 2004, 275 milliards de crédits ont été accordés pour ce genre de transactions, 490 milliards l’an dernier et ce montant est déjà dépassé sur les cinq premiers mois de 2007.
La raison devrait poutant reprendre ses droits, et ceci pourrait se produire à l’occasion de l’échec d’une méga-acquisition, ou de la révélation qu’une entreprise ne puisse faire face à ses engagements. A moins que les taux d’intérêts ne grimpent subitement et rendent les nouveaux acheteurs incapables de revendre au prix souhaité.
Pearlstein a le sentiment que ces évènements sont déjà en train de se produire.
Le taux à long terme sur les obligations du Trésor US a bondi de 4,5% à 5,75%, et l’un des plus gros investisseurs a révisé ses projections indiquant qu’ils devraient atteindre 6,5% pour les prochaines années.
Les emprunts émis pour financer les dernières acquisitions en LBO, celles du Minneapolis Star Tribune, de Linens’n Things et de Freescale, sont déjà revendus sur le marché avec une ristourne significative, après la publication par les entreprises débitrices de mauvais chiffres.
Le Wall Street Journal fait également état d’un durcissement des conditions de crédit accordés aux acheteurs d’entreprises, contrairement à ce qui avait cours jusqu’à présent.
Il est impossible de prédire le moment ou le retournement aura lieu, dit Pearlstein, et quand le marché considérera que ces acquisitions étaient surévaluées et ces crédits souscrits impossible à rembourser. Mais lorsque cela adviendra, cela ne sera pas joli à voir, prévient-t-il.
Car sur l’ensemble du marché le cours des actions et la valorisation des entreprises vont chuter, quelques fonds d’investissements vont mettre la clé sous la porte et des entreprises seront en faillite.
L’onde de choc ne sera pas limitée à Wall-Street, et se propagera dans l’économie. Avec la disparition de milliards de dollars qui ruissellent chaque année dans l’économie, l’industrie du luxe et l’immobilier en ressentiront le contre-coup.
Les entreprises réduiront également la voilure, et l’Etat devra faire face à une diminution de ses ressources, sur le modèle des crises précédentes, comme celle des caisses d’épargne, ou de la bulle internet.
La baisse du prix de l’immobilier et les défaillances dans le secteur des crédits à risque (subprimes) sont les premiers indicateurs de l’éclatement à venir de la bulle du crédit, et on déjà fait perdre un demi point de croissance, signe avant-coureur d’un prochain impact sur l’emploi, les places financières, et un resserrement drastique du crédit, qui entrainera une crise sur les marchés dérivés, juge Pearlstein.
Contre Info, avec le Washington Post
Illustration : In Debt We Trust, un documentaire par Mercury Media
[1] LBO : Leverage Buy Out. Méthode d’acquisition consistant à transférer les crédits contractés par les acheteurs sur l’entreprise acquise. A ce sujet lire : La martingale des LBO
Mis en ligne par libertad, le Dimanche 17 Juin 2007, 20:40 dans la rubrique "Economie".
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