19/06/2007

Où se réfugier ?

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Méfiance et inquiétudes dans le monde sur les réfugiés
REUTERS : mardi 19 juin 2007

par Alistair Lyon

BEYROUTH (Reuters) - Si l'élévation du niveau des mers contraint les habitants des Maldives à quitter leurs îles, qui s'occupera d'eux dans un monde toujours plus méfiants à l'égard des réfugiés?

La perspective menaçante de déplacements de population massifs provoqués par le changement climatique et les catastrophes écologiques représente un défi aussi nouveau qu'imminent mais que personne ne sait encore comment relever.

Le nombre de personnes déplacées par le réchauffement climatique - l'organisation Christian Aid prédit qu'elles seront un milliard en 2050 - dépassera largement les près de 10 millions de réfugiés et 25 millions de déplacés internes fuyant déjà guerres et oppressions.

"Partout dans le monde, des facteurs prévisibles vont provoquer des changements très soudains et à très long terme dans la capacité des gens à subvenir à leurs besoins", prévient Michele Klein Solomon, de l'Organisation internationale des migrations (OIM). "Ce que nous allons devoir affronter dans les 50 années à venir est plutôt écrasant", ajoute-t-elle. "Et c'est aujourd'hui que cela commence."

DÉBAT BROUILLÉ PAR LA XÉNOPHOBIE ET LE POPULISME

Les personnes contraintes de partir à cause du changement climatique, de la salinisation, de l'élévation du niveau des mers, de la déforestation et de la désertification ne répondent pas à la définition classique des réfugiés, ceux qui quittent leurs terres pour fuir des persécutions ou un conflit et réclament une protection.

Même pour cette dernière catégorie, la mobilisation de la communauté internationale paraît déjà faiblir. Gouvernements et agences humanitaires peinent à répondre aux besoins de ces 10 millions de personnes dont le malheur risque d'être éclipsé par les débats sur le phénomène beaucoup plus vaste de la migration économique, et peut-être par les futures vagues de victimes du désordre écologique.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), qui célèbre mercredi la Journée mondiale des réfugiés, juge que le climat politique général sur cette question ne cesse déjà de se détériorer.

"Auparavant, (les réfugiés) étaient accueillis comme des personnes fuyant des persécutions, mais cela a changé - assurément depuis le 11-Septembre, mais même avant cela", rappelle William Spindler, porte-parole du HCR à Genève.

"Xénophobie et intolérance en hausse, manipulation politique par des populistes qui mélangent les problèmes - l'ensemble du débat sur l'asile et les migrations a été brouillé", ajoute-t-il.

Des Africains fuyant des menaces dans leurs pays et d'autres rêvant simplement d'une vie meilleure en Europe s'échouent parfois ensemble sur une plage en Espagne mais une distinction doit être maintenue, selon William Spindler, afin de garantir une protection efficace à ceux qui en ont besoin.

Quelles que soient leurs motivations, les migrants ont droit à un traitement digne et humain, insiste-t-il. "Nous avons vu en Méditerranée des personnes dans des bateaux ou s'agrippant pendant des jours à des filets de pêche pendant que des pays se rejetaient la responsabilité de leur porter secours", s'indigne le porte-parole du HCR.

L'IRAK, LE DARFOUR ET LES "CRISES OUBLIÉES"

Avant l'explosion des violences confessionnelles en Irak en 2006, le nombre des réfugiés dans le monde avait tendance à baisser. La paix relative revenue au Congo, au Liberia, en Angola et dans le Sud-Soudan avait permis à des millions de personnes de revenir chez elles.

"Je ne prétends pas que la vie est merveilleuse dans ces pays, mais il y a eu des progrès", remarque Joel Charny, vice-président de l'organisation Refugees International, basée à Washington.

"La grande exception, c'est l'Irak, où le nombre de réfugiés croît le plus rapidement dans le monde", poursuit-il. "Tout le monde fuit. Il y a vraiment une insécurité généralisée qui pousse les gens à se déplacer à l'intérieur de l'Irak ou vers l'étranger."

Le HCR estime que 2,2 millions d'Irakiens ont fui à l'étranger et que plus de deux millions se sont déplacés à l'intérieur du pays.

Dans le monde, près de 25 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur même des frontières de leur pays. Elles fuient pour les mêmes raisons que les réfugiés, mais elles manquent de reconnaissance et de protection internationales.

Si l'Irak et le Darfour monopolisent l'attention médiatique, les responsables humanitaires s'inquiètent des "crises oubliées" qui déracinent les gens à l'intérieur de frontières nationales, souvent loin des caméras de télévision.

"Quasiment personne ne se préoccupe de la République centrafricaine", constate Sarah Hughes, directrice en Grande-Bretagne de l'International Rescue Committee (IRC). "Et au Tchad par exemple, les réfugiés du Darfour obtiennent trois fois plus ravitaillements que les déplacés tchadiens."

Conscient de l'ampleur de ce problème, le HCR a pris sous son aile en 2006 quelque 13 millions de déplacés, dont beaucoup se trouvaient dans des zones de conflit.

"Au Darfour, le problème n'est pas le financement mais la sécurité et l'accès aux personnes que nous essayons d'aider", souligne Spindler.

Le niveau de violences en Irak rend ce pays quasiment inaccessible aux organisations humanitaires, qui sont toutefois confrontées à des environnements violents partout dans le monde, d'Afghanistan en Colombie.

"Le principal défi, c'est la sécurité, le rétrécissement de l'espace humanitaire", explique Sarah Hughes.

LA MENACE CLIMATIQUE

Les réfugiés se heurtent également à l'hostilité croissante de nombreux pays à l'égard des migrants de toutes sortes.

"La réaction est désormais au scepticisme", relève Charny, de Refugees International. "C'est: qui est cet arnaqueur venu chercher un travail dans notre pays?'"

Les Nord-Coréens fuyant vers la Chine ou les Zimbabwéens entrant clandestinement en Afrique du Sud sont généralement traités comme des migrants économiques alors que beaucoup tentent surtout d'échapper à des persécutions, poursuit Charny.

"Nous devons maintenir un régime de protection des réfugiés qui ne se contente pas de les soupçonner tous d'être des migrants économiques clandestins", propose-t-il. "Cette tendance existe dans les pays industrialisés et dans les pays les plus riches de l'hémisphère Sud."

Face à la perspective d'un afflux massif de "réfugiés écologiques", toute tentative d'imposer dès à présent de nouvelles obligations légales aux gouvernements paraît illusoire. "Cela ne veut pas dire que des dispositions pratiques ne peuvent pas être trouvées pour traiter ce problème", objecte Michele Klein Solomon, de l'OIM.

Il s'agit d'établir des plans d'urgence en cas de scénarios catastrophes malheureusement probables, renchérit Charny. "Comment allons-nous gérer ces déplacements quand, disons, les Maldives seront submergées?", demande-t-il. "Nous devons nous y préparer mais d'une manière qui ne nous conduise pas à tous sauter par les fenêtres."

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