Publicités mensongères, reventes à pertes, marges arrières: jugement attendu pour Carrefour
Par Sylvain PEUCHMAURD
EVRY (AFP) - Le tribunal correctionnel d'Evry rend mardi son jugement concernant la société Carrefour, contre laquelle 4,8 millions d'euros d'amende ont été requis pour publicités mensongères, reventes à perte et des contrats litigieux de coopération commerciale régissant les "marges arrières".
A l'audience, le 22 mai, la procureure avait également requis la publication du jugement à chacune des caisses des 213 magasins de l'enseigne.
Carrefour est poursuivi pour avoir fait de la publicité pour des produits qui n'étaient pas disponibles en quantité suffisante, à l'instar de bouteilles de champagne 1er cru, en décembre 2003, vendues à des prix allant de 15 à 18 euros. La moitié du prix était remboursé en bons d'achat dans le cadre d'un programme de fidélité.
Quelque 18 millions de catalogues avaient été tirés et diffusés dans toute la France, pour un coût de 8,9 millions d'euros. L'opération a rencontré un tel succès auprès des consommateurs que certains magasins se sont retrouvés en rupture de stock dès le premier jour. Un représentant avait invoqué la nouveauté du programme de fidélité pour expliquer le nombre insuffisant de bouteilles disponibles.
Autre type de faits reprochés au numéro un en France de la grande distribution: des articles qui n'étaient pas vendus au prix annoncé sur catalogue, comme des congélateurs vendus 339 euros contre 229 annoncés. Des différences que Carrefour avait expliquées par des erreurs dans les bons à tirer des catalogues. Il est également reproché à l'enseigne d'avoir vanté des téléviseurs LCD dont l'écran faisait 20 cm de moins qu'annoncé ou des aquariums dont la pompe offrait un débit moins puissant qu'indiqué.
En décembre 2005, du foie gras en bloc - élaboré à partir de produit reconstitué - était présenté comme du foie gras entier. Des errata avaient été affichés en magasin, mais la présidente du tribunal avait pointé que cela ne faisait pas disparaître l'infraction pour autant. Un représentant de l'enseigne avait plaidé une "négligence", plutôt qu'une volonté de tromper le consommateur.
"Carrefour n'a jamais mis en place de procédé pour vérifier la véracité" des informations figurant sur ses publicités, alors que la société "a les moyens de le faire", avait pointé l'accusation.
En ce qui concerne le dossier de reventes à perte, il est reproché à Carrefour d'avoir vendu des produits pour un montant inférieur de 0,01% à 44% à leur prix d'achat, dans une quinzaine d'hypermarchés entre octobre 2004 et août 2005.
Pour expliquer cette pratique, l'un des avocats de la défense a invoqué la "pression amicale très forte" venant alors du ministère des Finances pour faire baisser les prix. Un responsable de Carrefour a également plaidé la "nécessité d'un alignement sur les concurrents dans la zone de chalandise", dans l'ouest de la France, où Carrefour est dominé par son concurrent Leclerc.
Enfin, pour les contrats de coopération commerciale, qui s'appliquent aux "marges arrières", il est reproché à Carrefour d'avoir établi des contrats, entre décembre 2005 et mars 2006, portant sur des opérations spéciales visant à mettre en valeur certains produits, qui n'étaient pas assez précis, selon l'accusation.
Dans sa plaidoirie, Me Emmanuel Daoud, l'un des avocats de la défense, avait déploré un procès "non pas exemplaire", mais "un procès pour l'exemple", et dénoncé le "zèle accusatoire" du ministère public.
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