1 - Le gouvernement n’a pas fait preuve de franchise sur ces nouvelles mesures. Rappelons simplement les faits :
23 mai : informé de l’état des finances de l’assurance maladie, François Fillon déclare vouloir appliquer les franchises comme « remède » au dérapage de dépenses.
Le 29 mai : Le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie déclenche le la procédure imposant aux caisses nationales de proposer dans le mois suivant des mesures de redressement pour résorber le dérapage des dépenses de soins de ville (hors hôpital). Rappelons que ce comité d’alerte a été institué par la réforme de l’assurance maladie de 2004. Il est chargé d’alerter le Parlement, le gouvernement et les caisses nationales d’assurance maladie, lorsqu’il existe un "risque sérieux" de dérapage des dépenses. Ce qui est le cas ici : 2 milliards.
Le 27 mai : sur Europe 1, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, annonce que l’instauration de franchises médicales sera inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, présenté en septembre par le gouvernement. Elle ajoute : "Il ne faut pas envisager ces franchises sous l’angle d’un rationnement des soins mais sous celui d’une responsabilisation des patients". La ministre de la Santé contredit donc son Premier ministre. Il s’agit en effet de rassurer les Français au moins le temps de la campagne des législatives.
2 - Les remèdes envisagés sont injustes et insatisfaisants :
La réalité de toute cela, c’est qu’il va être créé quatre nouvelles franchises comme annoncé par Sarkozy candidat : une franchise sur les médicaments, une autre sur les prises de sang, une troisième sur les consultations médicales et une quatrième sur l’hôpital. Il s’agit bien de nouvelles franchises car deux types de franchises ont déjà été créées par le gouvernement UMP précédent : la franchise de 1 euro, appliquée depuis début 2005 sur toute consultation médicale ou acte de laboratoire, et le forfait de 18 euros sur les actes chirurgicaux.
Plutôt qu’un débat public, le gouvernement préfère considèrer les usagers comme une variable d’ajustement comptable. Les conséquences seront douloureuses pour les plus modestes et nombreux seront ceux qui différeront leurs soins. La solidarité est en recul sur un autre aspect : une pétition signée notamment par Axel Kahn dénonce l’expulsion de personnes malades en situations irrégulières au titre de la réforme de l’AME (aide médicale de l’Etat : voir mon article « L’AME est-elle en train de rendre l’âme ? »).
Il n’y aura pas de réforme profonde. Seulement une approche purement comptable de cet enjeu pourtant de taille et qui préoccupe tous les Français. C’est ce que dénoncent le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) et l’Uniopss, le 31 mai. C’est vrai que des choses ont changé ces dernières années. Le budget de la Sécurité sociale est discuté au Parlement, la convention 2005, résultant de la réforme de l’assurance maladie de 2004, a mis en place le parcours de soins articulé autour du médecin traitant. Progrès ? Vite dit ! D’abord, l’Assemblée est à forte majorité UMP et sera très probablement renforcée par la « vague bleue » annoncée. Cela ne laisse donc pas entrevoir de débat possible sur la question. Le remède appliqué sera unilatéral ! D’autre part, la convention de 2005 est un échec, comme le fait remarquer MG-France, syndicat des médecins généralistes (qui n’a pas signé la convention).
Des signes permettent de dire qu’il n’y aura pas de remise en cause des rémunérations toujours croissantes des médecins. D’abord, la CSMF (premier syndicat des médecins libéraux) a mis en garde, le 29 mai, le gouvernement contre toute tentative de remise en cause des engagements de son prédécesseur en matière d’honoraires médicaux. Il ne faut pas se mettre à dos ces électeurs et ce puissant « lobby ». D’autre part, les profits juteux croissants dans le secteur public laissent les pouvoirs publics indifférents. Un coup d’œil rapide sur cette question : les gains de pouvoir d’achat ont augmenté de 23 % entre 1993 et 2004 pour les praticiens exerçant en secteur 1 et de 71 % pour ceux bénéficiant du droit au dépassement. Le prix des prothèses de hanche et de la coloscopie flambent littéralement !
Un rapport de l’IGAS sur les pratiques et logiques de dépassements tarifaires vient confirmer ce fait et manifeste une certaine impuissance à faire changer les choses.
Que va-t-il se passer à présent ? Comme il n’est pas question de contenir les profits galopants de certains professionnels de santé, comme les conventions passées sont sans effet probant, le gouvernement fera payer les malades. Il transfère purement et simplement sa responsabilité sur les patients. Les franchises augmenteront en nombre et en importance (d’abord 10 ou 15 euros puis 20, 30... quelle limite ?)
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’UMP ne traite pas sérieusement la question des dépenses de santé. Alors que le montant de la dépense a doublé en quinze ans en valeur réelle. Mais cela n’est pas le seul problème : le rapport de l’IGAS montre qu’il y a des disparités géographiques croissantes. Enfin, on peut se demander si la nomination de Roselyne Bachelot au poste de ministre de la Santé (elle doit aussi s’occuper du sport et de la jeunesse), face à tous ces enjeux, n’est pas une preuve de manque de sérieux et de volonté d’avancer.
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