11/06/2007

Y' a des doutes

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Lundi 11 juin 2007
IMPÔTS ALLÉGEMENTS
Des économistes doutent des effets du "paquet fiscal" sur la croissance
LE MONDE | 09.06.07 | 13h18 • Mis à jour le 09.06.07 | 13h18
Consultez les dépêches vidéo des agences AFP et Reuters, en français et en anglais.
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Le "paquet fiscal" de Nicolas Sarkozy coûte cher, va creuser le déficit public et accroître les inégalités, sans que l'on puisse en espérer un effet de long terme sur la croissance en France : telles sont les principales critiques adressées au projet présidentiel par les économistes interrogés par Le Monde.


Rejoignant en partie les critiques formulées, jeudi 7 juin, par la gauche et le MoDem mais aussi par les syndicats, pour qui la détaxation des heures supplémentaires va "accroître les inégalités" sans garantir "de retombées positives sur l'emploi", ces économistes s'interrogent sur le rapport coût-efficacité des différentes mesures (aide à l'accession à la propriété, bouclier fiscal limitant à 50 % du revenu la somme des impôts directs et des contributions sociales, allégement de l'impôt sur les successions...).

"Le paquet fiscal coûte extrêmement cher, probablement 15 à 20 milliards d'euros, et ne se justifie pas du point de vue du rendement économique. On va dépenser 6 milliards en pur effet d'aubaine sur les heures supplémentaires, tout en créant une énorme niche fiscale. Notre système fiscal, déjà injuste et opaque, n'en avait pas besoin", note Thomas Piketty, chercheur à l'Ecole d'économie de Paris. "Et ce n'est pas une bonne idée, ajoute cet économiste de gauche, soutien de Ségolène Royal pendant la présidentielle, de griller toutes ses cartouches budgétaires à un moment où la conjoncture est bonne. On se prive de marges de manoeuvre quand elle se retourne."

Pour le directeur des études d'Ixis-CIB, Patrick Artus, le projet présidentiel, qui s'apparente à une politique de soutien du revenu, coûtera de 0,6 % à 0,8 % du produit intérieur brut et devrait porter le déficit public à 2,9 % ou 3 % du PIB en 2007. "Ce n'est pas grave en soi, mais cela risque de provoquer un peu de tension avec Bruxelles, d'autant que nos voisins font beaucoup mieux que nous. Par ailleurs, l'expérience montre qu'en cas de succès, l'Etat ne récupère que la moitié de sa mise, et ce au bout de deux ou trois ans", note-t-il. M. Artus voit dans le "package fiscal" de M. Sarkozy de nombreuses similitudes avec la politique de baisses d'impôts menée par Ronald Reagan dans les années 1980. "Elle avait stimulé la consommation des ménages et relancé la machine, sans rien changer sur le taux d'emploi ou la productivité de l'économie. Je crains qu'il n'en aille de même en France. Il y aura sûrement, à court terme, plus de croissance et d'emploi, mais on n'aura aucun effet direct sur la croissance à long terme car presque rien n'est prévu dans le paquet fiscal pour aider les PME à croître", analyse l'économiste.

Près de la moitié des 11 milliards d'allégements avancés par l'Elysée iront aux classes moyennes supérieures et aux ménages les plus aisés. Spécialiste de la fiscalité, Jacques Le Cacheux fait remarquer que l'allégement des droits de succession et de donation "profitera massivement aux patrimoines les plus élevés, les autres étant déjà exonérés". "Ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale", ajoute-t-il, rejoignant l'analyse de M. Piketty qui pointe le caractère "très néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers".

"Le bouclier fiscal profite d'abord aux personnes ayant des patrimoines très importants et des revenus relativement modestes par rapport à leur patrimoine. C'est l'écart entre les deux qui fait jouer le dispositif. La version Sarkozy du bouclier (à 50 % et intégrant la CSG et la CRDS) en renforcera la sélectivité", analyse M. Le Cacheux. Pour ce professeur à l'université de Pau, cette politique "n'aura d'effets massifs ni sur l'offre ni sur la demande, et ne sera pas suffisante pour engendrer un point de croissance supplémentaire".

En 2007, Bercy avait évalué à 93 000 les bénéficiaires potentiels du bouclier fiscal à 60 % (version Copé) : 16 000 redevables de l'ISF devant se partager 350 millions de remboursements d'impôts et 77 000 contribuables non assujettis à l'ISF "héritant", eux, de 50 millions.
Claire Guélaud
Article paru dans l'édition du 10.06.07

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