lundi 2 juillet 2007.
La valise diplomatique
La rébellion des journalistes, enfin ?
Quelque chose est en train de changer dans l’univers de la presse. Après s’être (trop ?) longtemps accommodés de la transformation de leur métier, induite non pas par le désir de mieux informer mais par celui d’être toujours plus rentable, les journalistes se cabrent. Les grèves, qui se multiplient, affectent des titres aussi peu portés au soulèvement que Les Echos, La Tribune, voire … le Wall Street Journal, menacé d’être racheté par M. Rupert Murdoch.
Il faut admettre que, pour ne s’en tenir qu’à la France, le seuil de la provocation a été allègrement franchi. Que M. Bernard Arnault, familier de M. Nicolas Sarkozy (il fut son témoin de mariage) et première fortune du pays, veuille acheter Les Echos et vendre La Tribune serait déjà beaucoup. Ses interventions auprès de la rédaction de La Tribune étant de notoriété publique, qu’il veuille désormais adosser sa fortune au contrôle du principal quotidien économique pose en effet bien des problèmes. Toutefois, les mœurs en la matière se sont considérablement « modernisées » depuis que M. Edouard de Rothschild est devenu le principal actionnaire de Libération et a imposé à la rédaction de ce quotidien la perte de son droit de veto sur les décisions stratégiques de l’entreprise. Ce qui est peut-être trop, c’est de voir M. Arnault envisager de céder La Tribune à Vincent Bolloré, autre milliardaire et autre ami de M. Sarkozy. Même une noria de patrons et d’investisseurs (dont certains concurrents de M. Arnault) s’inquiètent : comment faire demain des affaires en connaissance de cause si les deux principaux quotidiens économiques du pays venaient à appartenir à des acteurs majeurs de l’économie nationale, l’un et l’autre décidés à utiliser leurs journaux comme des leviers de pouvoir supplémentaires ? Au demeurant, la médiocrité insigne du quotidien « gratuit » de M. Bolloré, Direct Soir, n’est guère susceptible de rassurer les journalistes de La Tribune sur leur sort. Ils viennent donc de réclamer à Mme Catherine Albanel, ministre de la culture et de la communication nommée par M. Sarkozy, des assurances en matière de pluralisme et d’emploi. Ce fut, on l’aurait deviné, un dialogue de sourds…
Au Monde, la situation est différente car les journalistes disposent du pouvoir de désigner les responsables de leur journal et du groupe. Là, c’est le rôle de M. Alain Minc qui est en cause. Son sarkozysme d’aujourd’hui n’est guère plus prononcé que son balladurisme d’hier, mais l’affichage des amitiés politiques du président du conseil de surveillance du quotidien a tout de même fini par indisposer la plupart des journalistes. Refusant d’en tirer les conséquences, M. Minc cherche à s’accrocher à son poste, adossé au soutien des seuls actionnaires extérieurs du journal, de M Pierre Lescure à M. Claude Perdriel (propriétaire du Nouvel Observateur), sans oublier les représentants des groupes Prisa et Lagardère. Toutes les sociétés de journalistes d’un côté, tous les actionnaires privés de l’autre …
Si on ajoute à ce petit tableau, incomplet, la censure dont Pierre Marcelle, l’une des « plumes » du quotidien, vient de faire l’objet à Libération (1), la suppression de l’émission de Daniel Schneidermann Arrêt sur images sur France 5, on comprend que les journalistes se cabrent. Et que, loin de se payer de mots, ils exigent que des garanties juridiques réaffirment — ou rétablissent — leur indépendance.
Chap.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire