Mercredi 1er août. Le centre de rétention de Rennes ouvre. Les membres du collectif de soutien aux personnes sans papier communiquent à travers les grillages avec les Irakiens, interpellés la veille à Cherbourg.
Quelques jours après son ouverture, 40 étrangers en situation irrégulière sont enfermés dans le centre de rétention de Rennes. Ils peuvent être retenus 32 jours.
RENNES. - Ils sont jeunes, un peu hébétés et ne comprennent pas toujours ce qu'ils font là. Ce jour-là, derrière les grillages surmontés de barbelés du Centre de rétention administrative (CRA) de Rennes, plusieurs d'entre eux appellent à l'aide. De l'autre côté du grillage, des membres du collectif de soutien aux personnes sans papier s'informent des conditions de rétention.
Un centre de rétention ressemble à une prison. Il y a les corridors de sécurité, les caméras de surveillance, la présence massive des gendarmes et le barbelé. « Le régime n'y est pas le même », temporise la préfecture. C'est vrai que les coups de fil sont autorisés. Et les étrangers peuvent se promener dans un espace plus grand qu'un centre de détention.
Depuis quelques mois, plusieurs nouveaux CRA ont vu le jour en France. On en compte 17 actuellement, sur tout le territoire. Celui de Rennes - d'une capacité de 60 personnes - a ouvert ses portes mercredi 1er août en recevant 25 hommes, originaires du Moyen-Orient. Une dizaine de jours plus tard, plus de 40 étrangers sans titre de séjour, interpellés à Marseille, Lille, Cherbourg ou Poitiers, attendent une décision. Le délai maximal de rétention est de 32 jours.
Ils sont arrivés là après une audition de garde à vue rapide. Un formulaire type : D'où venez-vous, depuis quand, quelles démarches avez-vous engagées ? Après quelques instants au commissariat, l'étranger doit attendre que la préfecture prenne un arrêté de reconduite à la frontière. Il rejoint alors un centre de rétention administrative (CRA). Dans les 48 heures, le juge des libertés et de la détention doit statuer sur leur sort : la liberté ou le retour au CRA dans l'attente d'une expulsion. Jusqu'ici, toutes les procédures ont abouti, à Rennes, à une prolongation de la rétention.
« Les violences augmentent »
Le tribunal de grande instance, pris d'assaut, doit s'adapter. L'ouverture d'un gros centre comme Rennes engendre une masse de procédures. La rumeur d'agrandissement à 100 places, démentie par la préfecture, n'a pas apaisé les esprits dans les juridictions. La semaine dernière, des renforts ont été nécessaires chez les magistrats et les greffiers.
Vendredi, c'était de nouveau le coup de feu avec 17 comparutions devant le JLD dans la journée ! « Le droit des étrangers produit beaucoup de paperasseries, confie, agacé, un greffier. Il faudra créer des postes si on veut que tout se passe bien. » Chez les avocats, le groupe de défense des étrangers recrute. Cinq confrères ont dû prêter main-forte la semaine dernière aux avocats de permanence.
Le Cimade, seule ONG autorisée à intervenir dans ces centres, a pris ses quartiers dans le CRA de Rennes. Ses membres assistent les étrangers dans l'exercice de leurs droits. « Nous sommes au service des gens retenus, explique Damien Nantes, du Cimade. Ils ressentent une véritable humiliation. Chez eux, ce sont des hommes honnêtes et, ici, ils sont traités comme des délinquants. » Selon l'ONG, la création des CRA a déshumanisé les contacts. « Avant, dans les commissariats, nous n'avions pas cette atmosphère carcérale. Les violences augmentent, tout comme les tentatives de suicide et les grèves de la faim », assure Damien Nantes. Ainsi, samedi, un Guinéen de 24 ans en grève de la faim a dû être hospitalisé après un malaise.
Les avocats appréhendaient l'ouverture du CRA. « Notre façon de travailler change radicalement, déplore Me Mikaël Goubin. Il faut faire vite, ce qui inclut le risque de faire moins bien. L'urgence nous empêche parfois de voir les vices de procédure. » Les magistrats du parquet sont eux aussi exposés à faire des erreurs. Un Géorgien a été remis, lundi, en liberté, suite à une erreur de procédure. Le procureur avait oublié le principe du contradictoire qui veut que le parquet fasse connaître ses arguments à la défense. « Un seul intervenant semble être prêt : la police aux frontières (PAF), poursuit Me Goubin. Nous avons pu constater que l'ouverture du centre était attendue pour mener des opérations de masse contre les sans-papiers. Le centre de Rennes sera vite plein. »
Ouest-France
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