Le Monde diplomatique
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Archives — Septembre 2007
Aux armes !
Pluie d’armes américaines sur le Proche-Orient ! La valeur des livraisons devrait atteindre 46 milliards d’euros au cours des dix prochaines années, a précisé la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, le 2 août. Bénéficiaires : l’Arabie saoudite, l’Egypte, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, Oman et les Emirats arabes unis, alliés de M. George W. Bush dans la région. La fourniture de matériel sensible à l’Arabie saoudite inquiète-t-elle Israël ? Le 15 août, Washington augmente de près d’un quart l’aide militaire américaine à Tel-Aviv ; elle atteindra 30 milliards de dollars sur dix ans.
Le 7 décembre 2006, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée par cent cinquante-trois Etats, a autorisé la préparation d’un traité sur le contrôle des transferts d’armements dits « conventionnels », jusqu’ici privés de cadres normatifs. Vingt-quatre pays se sont abstenus lors de ce vote, parmi lesquels la Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran, Israël et le Pakistan. Un seul a voté contre : les Etats-Unis. Le Conseil de l’Union européenne a publiquement soutenu cette résolution.
Au même moment ou presque, Paris signe avec Tripoli d’importants contrats : 168 millions d’euros pour l’achat par la Libye de missiles antichars Milan (qui équipent déjà les forces de quarante et un pays) à MBDA (1) ; 128 millions d’euros pour un système Tetra de communication radio à European Aeronautic Defence and Space (EADS). « Qu’est-ce qu’on va me reprocher ?, s’insurge le président Nicolas Sarkozy. De trouver des contrats ? De faire travailler les entreprises françaises (2) ? » Pas forcément, mais l’opacité dans laquelle se déroule ce commerce de mort sur lequel la représentation nationale n’a aucune prise. Et l’entretien d’une dangereuse dynamique guerrière... La France devrait vendre pour plus de 6 milliards d’euros d’armes à l’étranger en 2007 — contre 3,38 milliards en 2004 —, déclarait, le 18 septembre 2006, un porte-parole de la délégation générale pour l’armement (DGA).
Les membres de l’Union européenne sont en principe contraints de respecter un code de conduite qui leur interdit, en particulier, de nourrir des conflits existants. Mais, pour des raisons de gains de productivité, peu d’armes modernes sont désormais fabriquées en un lieu unique. Ainsi, des entreprises européennes – comme EADS – et américaines fournissent des pièces et de la technologie pour le développement du nouvel hélicoptère de combat chinois Z-10, sans savoir quelle sera la politique d’exportation de Pékin – qui a déjà fourni des appareils militaires au Soudan (3).
Le négoce pyromane des Etats-Unis au Proche-Orient provoque la réaction de la Syrie et de l’Iran, qui pourront toujours se tourner vers la Chine ou la Russie, entrées en force sur le marché. Le Niger s’inquiète des « cadeaux » de la France à la Libye – qui revendique depuis quelques mois 30 000 kilomètres carrés de territoire nigérien riches en pétrole et en uranium. Particulièrement gâté par la Maison Blanche, Israël ne se contente plus d’importer : il est devenu le premier fournisseur d’armes de la Colombie. Dont la puissance de feu, ajoutée à l’hostilité de Washington, préoccupe Caracas, qui se tourne vers Moscou pour moderniser son armement. D’autres vendeurs émergent : l’Inde, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud... Jamais ce secteur d’activité n’a été aussi florissant. Les dépenses pour ce type de matériel devaient atteindre le montant sans précédent de 1 058,9 milliards de dollars à la fin 2006 (4).
La « morale » de cette histoire ? Il n’y en a évidemment pas. Ah, si ! Le Pentagone a perdu la trace de cent dix mille fusils d’assaut Kalachnikov et de quatre-vingt mille pistolets (sans parler de cent trente-cinq mille gilets pare-balles) remis au gouvernement irakien en 2004 et 2005 (5). Il n’est pas impossible que ces armes soient tombées aux mains des insurgés et servent à attaquer les militaires... américains.
Maurice Lemoine.
Armement, Armes (ventes d’), États-Unis (affaires extérieures), France, Libye, Proche-Orient
(1) Contrôlé par EADS (37,5 %), l’italien Finmeccanica (25 %) et le britannique BAE Systems (37,5 %).
(2) Agence France-Presse (AFP), 5 août 2007.
(3) Campagne « Contrôlez les armes », initiative conjointe d’Amnesty International, Oxfam International et du Réseau d’action international sur les armes légères (RAIAL) ; http://fra.controlarms.or g/pages/in...
(4) Ibid.
(5) The Washington Post, 6 août 2007.
Édition imprimée — septembre 2007 — Page 1
Dans la foulée..
Nouvel Obs
François Fillon crée une commission pour soutenir les exportations d'armes
AP | 28.08.2007 | 21:37
Le gouvernement va créer une commission visant à soutenir les exportations françaises d'armement, a annoncé le Premier ministre François Fillon lors de la conférence des Ambassadeurs mardi.
"Dans les prochaines semaines, je mettrai en place un outil nouveau: la commission interministérielle pour le soutien aux exportations de sécurité (CIEDES),", a déclaré M. Fillon, constatant que les exportations françaises faisaient face "à une concurrence de plus en plus diversifiée" dans un marché "en pleine expansion".
"La France ne doit pas laisser ses positions se dégrader", a estimé M. Fillon. La nouvelle CIEDES déterminera les "priorités géographiques et sectorielles de la France" afin de définir des "priorités dans ce domaine".
Dans ce contexte, le ministre de la Défense Hervé Morin rencontrera jeudi une quinzaine de PME-PMI de l'industrie de la défense en vue de préparer des "mesures adaptées" à un meilleur développement, a indiqué le ministère de la Défense dans un communiqué. AP
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