Les Maltais ne disent pas merci à Nicolas Sarkozy
Paris doit livrer à la Libye une centrale nucléaire dernier cri. Une perspective qui révulse l’île de Malte, le plus proche voisin européen de Tripoli.
Nous autres Maltais sommes parfois tellement préoccupés par de triviales questions internes que nous en oublions qu’autour de nous il existe un vaste monde où personne ne se soucie de nous. Une France toujours indépendante d’esprit et parfois tête brûlée, dont je me méfie autant que je l’admire, fait soudain ami-ami avec la Libye – un pays pourtant récemment considéré comme la bête noire* du monde civilisé – et s’apprête à livrer des installations nucléaires ultramodernes à quelques centaines de kilomètres de chez nous.
Il n’y a évidemment aucune chance pour que vous et moi puissions dire quoi que ce soit pour empêcher de puissants pays comme la France et la Libye de faire ce qu’ils veulent. Je doute également que nous puissions en appeler à l’Union européenne (UE), car cette nouvelle amitié franco-libyenne est née trop peu de temps après la visite de Tony Blair à Tripoli [le 30 mai 2007], où il s’est fait photographier en compagnie de l’inévitable colonel Kadhafi. Naturellement, toute cette affaire met les Maltais très mal à l’aise.
Je n’en veux pas au gouvernement libyen. Après tout, sur le papier, c’est un bon accord qui comportera beaucoup d’avantages pour le pays. Je n’en veux pas à la France non plus, qui tout au long de son histoire a toujours réussi à signer des contrats juteux avec les pires Etats de la planète. Quelques années à peine après la chute de Constantinople, en 1453, elle commerçait déjà avec les Ottomans. Qui plus est, son expérience au Maroc, en Algérie et en Tunisie la place en position idéale pour traiter efficacement avec cet autre pays nord–africain, la Libye, et gagner son amitié. Ce devrait être pour Nicolas Sarkozy un jeu d’enfant. Quoi qu’il en soit, des pays aussi importants que la France devraient aussi faire pression sur les Libyens pour qu’ils participent également à la lutte contre l’immigration clandestine. Des pays qui prétendent être le moteur de l’Union européenne et qui visiblement font ce qu’ils veulent, alors que s’envolent dans un nuage radioactif nos aspirations et nos espoirs européens. Nous avons autant de chances d’entendre l’UE s’exprimer en notre nom ou prendre notre défense que de la voir ordonner à nos députés de légaliser le divorce ou les mariages homosexuels [Malte est l’un des derniers pays de l’UE où le divorce est interdit].
Il est facile de faire peu de cas des Maltais, à tel point que même nos responsables politiques trouvent plus efficace et plus commode de partir en vacances que de faire pression sur l’UE pour que tout soit fait afin d’éviter à Malte d’être victime d’un accident nucléaire. Un jour, peut-être, on devra tous nous évacuer par pont aérien vers une destination inconnue pendant que vers le sud une sinistre lumière rouge embrasera l’horizon. J’aimerais, ce jour-là, voir comparaître les éminents scientifiques qui aujourd’hui nous affirment que les Français construisent le matériel nucléaire le plus sûr du monde. Sommes-nous vraiment à ce point quantité négligeable ? Ne devrions-nous pas nous assurer que tous les garde-fous possibles et imaginables ont été mis en place, de manière que jamais l’apocalypse ne puisse se produire ?
* En français dans le texte.
Kenneth Zammit Tabona
The Times of Malta
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