Par Rue89 14H06 14/08/2007
J’ai retrouvé la caravane du tour de France à Kennebunkport. C’est un joli petit village de carte postale. La côte escarpée évoque un peu la Bretagne. Le parking du village a un système de paiement sur l’honneur où on vient glisser dans une boîte en bois des dollars en fonction du temps passé. Ici, on est chez Bush. Bush père s’entend. Dans les boutiques, on trouve même le livre des recettes préférées de George H. Bush et Barbara (avec quelques fiches cuisine de l'ex-gouverneur Jeb). Quelques uns se souviennent que le père du Président actuel y avait reçu François Mitterrand. "Ils avaient mangé plein de homards."
Rendez-vous samedi matin dans un hôtel de la petite ville. Il y a là des correspondants français et américains. A la différence des Français, les reporters américains savent toujours où est leur Président. A plusieurs reprises dans la semaine, ils reçoivent son emploi du temps des jours à venir. Même chose en vacances. Julie Mason, la sympathique correspondante du Houston Chronicle m’a raconté pour Le Figaro le dispositif des vacances de Bush à Crawford: 150 correspondants, une salle de presse, des briefings quotidiens sur les activités supposées d’un Président invisible. J’aurais un aperçu de ce fonctionnement à Kennebunkport.
On était là depuis quelques minutes quand le menu a été communiqué. No homard. Hamburgers et hot-dogs. "J’ose pas imaginer ce qu’on va nous servir à nous", a réagi un journaliste américain. On nous a distribués nos accréditations, des chiens ont reniflé nos sacs et ordinateurs, et on a nous a mis dans des minibus. En avant pour Walker’s Point, la presqu’île des parents Bush. Les bus n’ont pas démarré. "Le Président Sarkozy sera en retard. Madame Sarkozy et les enfants ne se sentent pas bien. Elle ne sera pas là." On s’interroge dans le minibus. Un confrère l’a vue la veille faire du shopping dans les rues de Wolfeboro. "Elle ne doit pas aimer les hot-dogs", a réagi le Washington Post aujourd'hui.
On est arrivé finalement un peu avant midi au lieu de 11h. "C’est vraiment choquant trois quarts d’heure de retard pour Bush qui est si ponctuel, m’a dit une consoeur américaine, mais à Nicolas Sarkozy, Bush serait prêt à tout pardonner tellement il est content de ne plus avoir à faire à Chirac." Dès que le Président français est sorti de son quatre-quatre, George Bush qui bavardait avec nous en l’attendant, a fait le geste de l’emmener déjeuner. Et il s’est immédiatement aperçu que son invité avait envie de parler aux journalistes. "Allez-y, a dit George, posez-lui des questions, ce type n’est pas timide avec la presse."
Le président des Etats-Unis semble connaître la réputation "media-friendly" de son homologue. Après un quart d’heure de conversation, ils sont partis pique-niquer. On est retourné en salle de presse. Au premier rang, des photographes se repassaient en gloussant les photos des salutations de Nicolas Sarkozy à la famille Bush. Le Los Angeles Times a relevé son pot pourri d’étiquettes pour saluer ses hôtes. Une bise à Laura. Une poignée de main au père. Des tapes sur l’épaule au fils. Un baise main à Barbara. Des "hugs" aux jumelles. (Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’on apprendra qu’il venait de transmettre une angine blanche à sa femme et ses enfants).
Tout à coup, quelqu’un s’est exclamé: "Goin’ boating!" Sur des écrans, on pouvait voir le bateau partir. Dana Perino, la jeune porte-parole de la Maison Blanche est venue un peu plus tard nous donner l’emploi du temps: 50 minutes de réunion, le déjeuner, 25 minutes de bateau. On ne demandait qu’à la croire, tout comme lorsqu’on nous a dit que Nicolas Sarkozy était parti.
On était toujours en train de travailler quand un homme en costume de crêpe est entré dans la salle. Il ressemblait à un homme politique comme dans les vieux films de Colombo. En plus, il portait une cravate imprimée de la Maison Blanche. On a tous levé la tête. "Je me présente: je m’appelle Robert Paine et je suis candidat à la présidence des Etats-Unis." Tiens un fou. C’est étonnant ce qu’un costume et une cravate peuvent vous garantir d’attention.
J’ai repris la route (très jolie de Wolfeboro). Rentrer à Wolfeboro, c’est un peu comme retourner vivre dans Sesame Street. En quelques jours, on connaît tout le monde, le shérif dont les parents étaient français, le libraire Al qui trouve que Nicolas Sarkozy a le droit qu’on lui fiche la paix… La vendeuse de la boutique de vêtements de sport qui a mis une photo du président français découpée dans le journal sur sa caisse enregistreuse… Peut-être que les habitants de Wolfeboro ont appris à le reconnaître. Le jour où Nicolas Sarkozy était à Paris pour les obsèques du Cardinal Lustiger, un envoyé spécial du Monde a été interviewé par la chaîne NBC. A la fin de la journée, trois personnes de Wolfeboro témoignaient avoir vu Nicolas Sarkozy interviewé par NBC.
Le lendemain, je prenais mon petit déjeuner au café quand deux confrères m’ont appris qu’ils venaient de voir Cécilia Sarkozy. Elle avait l’air complètement guérie, en short dans la rue. Quelqu’un qui marchait derrière elle semblait très énervé que des journalistes l’aient vue. Il les a pris à partie, avec des mots comme: "Ne m’obligez pas à appeler vos rédactions pour vous faire rapatrier." Il leur a aussi dit: "Regardez sur les blogs, ça n’intéresse personne."
Guillemette Faure
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