Avec les Jena Six aux USA et RESF en France
mardi 25 septembre 2007, Jean-Paul DAMAGGIO/LA SOCIALE.NET
Tout commença dans un collège de la petite ville à la rentrée 2006, quand un nouvel étudiant demanda à l’assemblée générale de présentation de l’établissement, si on pouvait s’asseoir sous « l’arbre des Blancs ». Les autorités confirmèrent qu’il pouvait s’asseoir où bon lui semblait dans le collège. Quelques rumeurs se firent entendre qui se transformèrent le lendemain en trois cordes de pendu accrochées à l’arbre en question. Ce signe de triste mémoire ne pouvait tromper : le Ku Klux Klan en fit bon usage.
Jena est une petite ville rurale du centre de la Louisiane et à arpenter ses rues on mesure vite où l’on est. Que chacun reste à sa place, des Noirs en bas et des Blancsc en haut, et tout ira bien ! Cependant, les trois cordes au nœud coulissant caractéristique, étaient de trop. La réaction ne se fit pas attendre : de nombreux « Noirs » s’installèrent sous l’arbre que les « Blancs » s’étaient appropriés. Les autorités, en découvrant les auteurs de l’infamie, les exclurent trois jours de l’établissement. En fait, le principal avait demandé l’exclusion définitive mais le « superintendant » ramena la peine à trois jours. Ce que nous appelons « inspecteur d’académie » est, là-bas, un personnel élu par les habitants qui sont à 80% « Blancs ». La tension ne risquait pas de baisser, d’autant que le « procureur », en s’adressant aux jeunes noirs, leur déclara : « Arrêtez de mettre du bazar sinon, d’un trait de plume, je brise vos vies ».
Les bagarres entre étudiants des deux communautés se répandirent. Qui fut capturé et durement condamné par la justice ? Six étudiants noirs dont cinq cumulent à présent un siècle d’emprisonnement pour une cause ridicule. Ils conspuèrent un « Blanc », repéré dans d’autres affrontements, qui s’empara de son arme dont les jeunes noirs le débarrassèrent promptement, emportant chez eux ce « trophée ». La justice fait deux poids et deux mesures et c’est ça qui a fini par frapper l’opinion.
Comment cette affaire locale put rassembler, un an après, des dizaines de milliers de manifestants dans la petite ville ? Des sites internet dont democracynow.org puis surtout un chroniqueur radio très écouté, Michael Baisden, popularisèrent ce conflit. Nous découvrons exactement le même phénomène que pour les révoltes des latinos aux USA, il y a quelques mois, et qui rassemblèrent des centaines de milliers de manifestants. Les forces religieuses contribuèrent également au développement de la protestation. La vie sociale aux USA ne pouvant passer par le politique, les mobilisations se font autrement. Devant l’ampleur des protestations à travers le pays, les autorités ont décidé d’abattre l’arbre de la discorde qui causa ... « l’incendie ». Pourtant innocent, planté qu’il fut à la gloire de la connaissance, quatorze ans auparavant, l’arbre paya.
Pourquoi passer à RESF qui, en France, défend des sans-papiers ? Pour dire que l’évolution de la contestation prendra, en France aussi, les chemins existants aux USA. Si Sarkozy est un Atlantiste affiché, « l’Atlantisme » est un mécanisme plus global (Sarko n’est qu’un effet, pas une cause) qui repose sur la mort du politique si caractéristique aux USA. Des mobilisations thématiques avec des organisations circonstancielles donnent l’impression que la lutte peut gagner sur quelques points précis, faute de pouvoir changer le cœur des mécanismes. Ce matin, sur France Inter, le responsable des « Enfants de Don Quichotte » expliquait qu’il a été sollicité par Christine Boutin pour diriger « une mission » : « il faut voir » qu’il répond. Les personnalités de gauche passées au service de Sarkozy ont toutes la même fonction : tuer le politique, au profit de la volonté individuelle. Là aussi, croire qu’il s’agit seulement de tuer le PS, est réducteur. Et si Fadela Amara pouvait faire bouger les réalités mieux qu’avec Ni putes ni soumises ? C’est induire l’idée que le politique est seulement le champ des volontés individuelles. Ou associatives, mais alors, que la concurrence a du bon ! Les autocrates peuvent à loisir déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les mêmes citoyens qui dénoncent l’incapacité du politique, croient pouvoir user du politique pour le faire servir leur cause ! Le politique devient du clientélisme institutionnalisé et les manipulateurs sont adorés (lobby et mafia sont, eux, aux anges). Les luttes de RESF auraient pu être prises en charge par les syndicats d’enseignants, mais ces syndicats, soucieux de la seule défense des intérêts des personnels, ne pouvaient voir le problème. Alors, un front uni, avec des instances religieuses (surtout la CIMADE), politiques, syndicales, c’est bien pour être fort. Quelles que soient les associations, je respecte tout à fait le combat conduit, mais personne ne peut m’empêcher de penser, au vu du laboratoire « USA » qui souvent annonce notre futur (et pas seulement celui du sarkozysme), que, pour une bonne part, cette action tire quelques balles dans les pieds de la démocratie. Je l’écris sans vouloir opposer le combat politique et associatif : simplement, quand le politique perd toute crédibilité faute d’un projet et d’une force, il alimente la parcellisation de l’action sociale. Un rêve naît alors. Il suffirait de fédérer ce combat éparpillé pour retrouver un projet politique. Or avec des miettes, on ne fait pas de pain !
25-09-2007 Jean-Paul Damaggio
2 commentaires:
quel article !...
superbe.
merci, je l'ai bien apprécié aussi
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