Vingt-quatre préfabriqués en guise de bureaux ministériels, avec la ministre du Logement, Christine Boutin, dans le rôle du chef de chantier. Le ministère du Logement s’installe ce mardi place Bellecour à Lyon pour dix jours. Coût total de l'opération: 250 000 euros.Boutin délocalise le ministère du Logement en terrain miné
Par Filtrages (Collectif) 17H00 19/09/2007/RUE89
Les locaux ministériels provisoires, place Bellecour à Lyon (DR).
De l’aveu même de la ministre, "c’est une opération de communication" qui tire prétexte de la tenue à Lyon de trois congrès: celui de l’Union sociale pour l’habitat (qui regroupe les organismes HLM), celui de la Fédération des promoteurs constructeurs et celui des notaires. Mais cette décentralisation éphémère intervient dans un contexte d’insatisfaction grandissante des acteurs du logement social.
L’association "Les Enfants de Don Quichotte" projette ainsi de réinstaller des tentes sur le pont des Arts à Paris, près d’un an après l'opération du canal Saint-Martin. En cause, la loi du 5 mars 2007 sur le Droit au logement opposable (Dalo) dont un projet de décret risque de dénaturer l’esprit.
Selon ce projet, la garantie par l’Etat d’un logement à ceux qui ne peuvent y accéder par leurs propres moyens serait conditionnée à la situation de l’offre locative locale. Alors qu’on attendait de la loi Dalo qu’elle joue le rôle d’effet levier pour la construction de logements, le décret en projet ne vise qu’à gérer les stocks de logements disponibles.
Faire de la France un pays de propriétaires... en vendant des HLM
Autre motif d’inquiétude, la promesse de Nicolas Sarkozy de faire de la France "un pays de propriétaires", ce qui devrait se traduire par la vente de logements sociaux afin d’atteindre l’objectif de 70% de foyers possédant leur logement (contre 56% aujourd’hui).
Christine Boutin souhaite la vente de 40 000 logements sociaux par an. Les offices HLM vendent chaque année 5 000 habitations à leurs locataires, en majorité des maisons individuelles, et en construisent 8 500 en accession à la propriété.
La crainte principale du monde HLM est que ces ventes ne débouchent sur un plus grand autofinancement de la construction du logement social, permettant ainsi l’Etat de diminuer les crédits qui y sont consacrés.
Nicolas Sarkozy et François Fillon pourraient participer au congrès des organismes HLM, le 20 septembre ,de façon à sceller un compromis avec les responsables du secteur à propos de ces cessions.
Des démolitions, mais pas assez de reconstructions
Une centaine de familles de Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon, pourrait également s'inviter au congrès des HLM, accompagnées de la Confédération nationale du logement (CNL) qui défend les droits des locataires.
Elles entendent protester contre le plan des "démolitions-reconstructions" du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) qui prévoit, sur la période 2004-2011, dans les quartiers les plus en difficultés, outre la réhabilitation de 400 000 logements locatifs sociaux, la démolition et la construction de 250 000 logements.
Ces familles du quartier du Mas du Taureau doivent ainsi quitter leur barre HLM, qui doit être détruite à la fin de l’année 2007. Mais aujourd’hui, elles sont sans solution de relogement, et vivent dans l’angoisse de l’expulsion, dans une ville où 500 logements ont été détruits et seulement 252 construits entre 1999 et 2005.
Les logements proposés étaient inadaptés, trop chers ou trop éloignés. La CNL dénonce des démolitions qui se multiplient, sans reconstruction d'habitations en nombre suffisant et à des prix abordables.
La règle du "un logement construit pour un logement détruit" n’est en effet pas encore satisfaite au niveau national, puisque l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) affiche, au 1er août 2007, un ratio de 111 000 créations pour 119 000 démolitions.
"Alors que ça va mieux, on nous expulse"
Dalila, travailleur social à Vaulx-en-Velin et habitante de cette barre du Mas du Taureau, vit le programme de rénovation urbaine comme une forme de rejet: "Avec mon métier, j’ai contribué à apaiser le climat à Vaulx-en-Velin après les émeutes de 1990, et aujourd’hui, alors que ça va mieux, on nous expulse."
Si le ministère du Logement délocalisé à Lyon est à coup sûr une opération médiatique pour Christine Boutin, elle aura néanmoins la tâche de lui imprimer une orientation politique. Plusieurs décisions importantes sont en effet attendues lors de son séjour place Bellecour.
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