Par Jean-jacques Urvoas, député du Finistère. PS -
Nouvellement élu, un député témoigne de ses désillusions après sa première session.
Que l’Assemblée nationale soit devenue une mécanique qui tourne à vide est un secret de polichinelle, La chose n’est d’ailleurs pas nouvelle. Mais le nouveau président de la République n’avait eu de cesse de marteler son intention de construire une «démocratie apaisée» où «l’ouverture d’esprit l’emporterait sur le sectarisme et l’esprit partisan».
C’est donc sans a priori que, jeune parlementaire, ayant démissionné de ma fonction de conseiller régional afin de respecter l’engagement des socialistes en faveur du mandat unique, j’attendais la session extraordinaire du mois de juillet. Il faut souhaiter que la nouvelle session extraordinaire qui vient de débuter soit moins caricaturale que celle de cet été, qui a illustré le peu d’intérêt que ce gouvernement porte au Parlement. Qu’on en juge.
Tout en priorité. La première surprise vint du programme extrêmement dense. En dix-neuf jours de travail programmés, le gouvernement proposait pas moins de quatre textes tous qualifiés de «priorités absolues».
Une assemblée ignorée. La deuxième découla d’un constat. Sur les quatre textes, l’Assemblée ne fut la première saisie que sur un seul, celui baptisé «en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat». Pour les trois autres, le Sénat avait été préféré. Il n’est donc pas exagéré d’en conclure qu’en ce mois de juillet l’Assemblée nationale fut secondaire au sens propre du terme : elle exerça sa fonction en second…
Des commissions inefficaces. Puis ce fut le temps des commissions, dont la vocation est théoriquement de conduire, loin de la brillance des médias, le véritable travail d’enrichissement des projets. Las, les délais qui furent impartis le leur interdirent. Elles ne purent entendre grand monde, et les échanges en leur sein furent réduits à la portion congrue. Pour le texte destiné à «rebâtir l’université française», selon l’ambition de François Fillon, il n’y eut que deux réunions et à peine trois pour celui «renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs». Délicat dans ces conditions de digérer les textes, d’écouter les milieux professionnels et de se faire une religion.
Amendements refoulés en bloc. Comment s’étonner alors du contenu des cent vingt-cinq heures de débats en séance publique ? Ils frisèrent la caricature. Il y eut près de 1 050 amendements déposés, tous textes confondus. L’écrasante majorité d’entre eux fut rejetée par des rapporteurs UMP dont les interventions se révélèrent souvent lassantes à force d’arbitraire ou de répétition.
Des séances à marche forcée. Puissent demain les députés de la majorité admettre que soutenir un gouvernement peut être de l’empêcher de s’enferrer dans l’erreur. Avec des parlementaires contraints à se mettre au pas de course, et des séances se terminant à marche forcée à des heures indues et peu propices à l’émergence d’une pensée cristalline, dans un hémicycle plus qu’à demi désert, les débats ne pouvaient s’avérer que stéréotypés.
Plus que jamais, le Parlement, conformément à son étymologie, ne fut que le lieu de la parole…
Un vote majoritaire sans surprise. Au total, que furent les lois adoptées par une majorité ayant confondu solidarité et blanc-seing ? Certaines, comme celle sur «le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs» - abusivement présentée comme donnant lieu à l’instauration d’un service minimum - ne furent guère que des mises en scène illusoires d’espérances qu’elles se révèleront impuissantes à réaliser. D’autres, comme le texte défendu par Rachida Dati ou celui relatif au «paquet fiscal», se résument à un discours n’ayant pour seul objectif que d’affirmer une orientation idéologique, sans aucune véritable avancée en termes de création de ce qu’il est convenu d’appeler le droit positif.
La «rupture» promise reste donc à inventer. La commission Balladur sans doute y travaillera, mais, à l’évidence, pour que le Parlement redevienne adulte, c’est-à-dire non omnipotent mais influent, il faudra bien plus que l’adoption du mandat unique.
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Voilà qui est parlé !
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