Fait Du Jour
Benghazi (Libye)
Des engagements toujours pas tenus E.C.
samedi 01 septembre 2007 | Le Parisien
LE SILENCE ASSOURDISSANT de l'Europe et le manque de répondant des ambassades depuis la libération des infirmières agacent le docteur Kambraki. D'un naturel plutôt mesuré, il n'emmène pas la conversation sur le terrain politique, il ne s'étend pas sur les compensations obtenues par les familles après la libération des infirmières. « Je m'en tiens aux questions médicales.
» Mais là, il en va de la santé de plusieurs de ses patients. « Nous ne demandons pas d'argent. Seulement des visas, une autorisation pour que ces enfants puissent se faire soigner à l'étranger. » Il se rappelle « la mine réjouie de Mohammed après que Mme Sarkozy lui a promis un visa ». Deux mois plus tard, le garçon, qui se souvient de « cette grande dame », n'espère plus. « Si même la femme du président ne peut rien faire, alors qui peut quelque chose pour nous ? »
L'ambassade de France à Tripoli reconnaît avoir « été sollicitée par les Libyens, il y a trois semaines. Nous avons alerté Paris, en précisant que cela devait aller vite. Les enfants seront accueillis en France, mais nous attendons toujours les noms. » Le pédiatre assure les avoir transmis au début du mois... La France n'est pas la seule à avoir fait des promesses qui tardent à être tenues. « Le ministre des Affaires étrangères allemand s'est déplacé à Benghazi au printemps, promettant lui aussi de faciliter l'obtention des visas. Rien ne bouge », déplore le médecin. La maman du petit Mohammed, le patient le plus sérieux, espère de son côté des nouvelles de Rome.
La mission française reportée
Outre les visas promis, la France, en échange de la libération des infirmières, s'est engagée auprès de la Libye à contribuer au développement du nouvel hôpital de la ville. Un mémorandum d'accord a été signé. Les bâtiments sont sortis de terre, mais les trois blocs restent vides. Les Libyens prévoient d'ouvrir les 1 200 lits l'année prochaine. Une mission technique française, chargée d'évaluer les besoins, attendue fin août, vient d'être reportée. Le déplacement se fera avant le début du ramadan, soit dans les quinze prochains jours, assure-t-on à l'ambassade. Aucun montant n'a été avancé. Les financements seront pris sur le budget de la Direction de la coopération internationale et du développement.
Fait Du Jour
« On nous a promis qu'on s'occuperait d'eux, mais rien ne se passe »Emeline Cazi
samedi 01 septembre 2007 | Le Parisien
LE CENTRE ANTISIDA de Benghazi est implanté à l'écart de la ville, dans le quartier de Loufwaihat. Le bâtiment est peu imposant, mais bien gardé. Equipé en partie par l'Union européenne, il reçoit exclusivement les enfants contaminés par le sida il y a neuf ans à l'hôpital pédiatrique El-Fatah.
Dans le long couloir vert amande du rez-de-chaussée, des garçons en débardeur patientent avec leur mère pour une visite de routine. Les portes s'ouvrent sur des salles d'examen où les infirmières voilées mesurent, pèsent les adolescents et s'assurent que la maladie sommeille toujours. Seuls la moitié des enfants reçoivent des traitements antirétroviraux. Les cas les plus sévères dorment à l'étage.
Dans l'attente d'un visa depuis deux mois
Mohammed, 13 ans, et son père retrouvent le docteur Mustapha Kambraki au moment de sa consultation. A la moue du pédiatre, ils comprennent qu'il n'a toujours pas de nouvelle du visa. C'est ainsi depuis deux mois. Mohammed espère partir rapidement à Toulouse, où il a déjà été pris en charge l'an dernier pour une intervention pulmonaire. « Lorsque nous avons signé pour la libération des infirmières, on nous a assuré qu'il n'y aurait aucun problème pour obtenir les visas. Les délais ne devaient pas dépasser deux jours, insiste le père du garçon, consultant dans le pétrole, qui garde son calme mais ne peut dissimuler sa déception. On nous a promis qu'on s'occuperait d'eux, qu'ils enverraient du matériel et des traitements. Rien ne se passe. »
Mohammed a 4 ans lorsqu'il rentre en 1998 à l'hôpital pédiatrique pour une crise d'asthme sévère. Il reste une semaine avant de retourner chez lui. La nouvelle de la contamination n'arrive que quelques mois plus tard. La rumeur circule dans les rues de Benghazi. Le 1er janvier 1999 un test confirme sa séropositivité. « A cette époque, on ne nous parlait pas des infirmières bulgares. Elles ne seront montrées du doigt que quelques mois plus tard », poursuit le père.
La promesse de Cécilia au pédiatre
Lors de sa première visite en Libye, début juillet, Cécilia Sarkozy pousse jusqu'à Benghazi pour rencontrer les familles et les médecins. Le docteur Kambraki évoque le cas de Mohammed et celui de trois autres enfants plus gravement malades dont le transfert vers un centre spécialisé presse. « Elle a promis de s'activer pour qu'ils soient traités en Europe dans les plus brefs délais. Nous n'avons reçu aucune nouvelle. La France et l'Italie nous ont demandé des noms. Nous avons envoyé la liste, mais rien n'a bougé. Nous les avons relancés par mail il y a quelques semaines. En vain. » Et pour certains cela devient pourtant urgent. A l'image de Mohammed, âgé 11 ans, dont la santé se dégrade de jour en jour. Affaibli par une maladie non contrôlée depuis neuf ans, il reste allongé dans cette grande chambre vide du 1er étage. La chaleur est accablante et il n'a pas le courage de recouvrir son corps décharné même devant des inconnus. La télévision meuble le silence. « Il n'a pas pu être traité à temps, regrette le docteur Kambraki, il n'a plus aucune défense immunitaire. » La famille habite Misratah, à 800 km à l'ouest de Benghazi. La séropositivité du garçon n'a été découverte que récemment. Trop tardivement. Le seul espoir du médecin repose sur ses confrères européens. « L'argent ne manque pas ici, insiste le pédiatre. Le gouvernement libyen s'en charge. Mais nous avons besoin d'un soutien technique pour les enfants malades, des formations pour le personnel et des visas pour les cas les plus urgents. »
Des enfants rejetés par la société
Le cathéter planté sur le dos de la main d'Hamed, 10 ans, est un lien dont il ne peut plus se défaire. L'école en pointillé et les amis trop rares sont d'autres conséquences de la maladie. Sa mère se veut rassurante sur le moral de son fils, infecté alors qu'il n'était encore qu'un bébé de un mois. Mais la chambre, désespérément vide, n'invite pas à la gaieté. Cinq lits métalliques font face aux fenêtres masquées par des rideaux. Seul un Titi, dessiné sur la tête de lit, observe le petit malade du coin de l'oeil. Depuis que son fils est hospitalisé, Hanan, 35 ans, dort au centre et laisse à son mari le soin de veiller sur leurs quatre autres enfants. Depuis peu, ces derniers viennent rendre visite à leur frère quotidiennement. Mais il a fallu vaincre les peurs. Le sida est l'objet de tous les fantasmes en Libye et laisse les familles à l'écart. Aucune campagne d'information n'est menée à l'échelle nationale. Tout juste les médecins du centre ont-ils le temps d'expliquer dans les écoles de Benghazi que le virus ne se transmet pas dans la cour de récréation. Mohammed, qui attend un billet pour Toulouse, a fini par espacer ses rares sorties. De peur qu'on ne l'insulte.
(LP/PHILIPPE DE POULPIQUET.)
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