05/09/2007

Un monde sans pitié

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L'Humanité
Article paru
le 4 septembre 2007
Carte blanche pour des méthodes de voyous

Distribution . Selon Michel-Édouard Leclerc, les distributeurs ont le feu vert pour faire payer la hausse des céréales par les éleveurs et les PME du secteur.

Michel-édouard Leclerc avait le propos jubilatoire dimanche soir sur M6. Le patron des magasins Leclerc répondait aux questions de Guy Lagache dans le cadre de l’émission Capital consacrée aux hausses de prix de la rentrée. Avec la mort annoncée de la loi Galland Leclerc promet des « bras de fer » avec les fournisseurs. Il s’agit de les contraindre à prendre en charge l’essentiel des hausses des matières premières agricoles et des coûts induits dans la production de denrées aussi variées que le pain, les pâtes, les viandes de volaille et de porc dont les coûts de production sont en augmentation sensible. « Ne risque-t-on pas ainsi de mettre en faillite les PME de l’agroalimentaire ? » demandait le journaliste. Le patron de Leclerc ne le nie pas et, pour certaines d’entre elles, se dit prêt à faire un geste « au vu de leur bilan financier ». Vis-à-vis des fournisseurs dont les produits valorisent les gondoles, il s’agit de desserrer les noeuds coulants juste ce qu’il faut pour éviter l’étouffement.

Comme jadis lors des jeux romains, ce pouce levé pour éviter telle ou telle exécution ne vaudra pas pour les paysans qui commercialisent leurs fruits, légumes, vins et viandes via des coopératives agricoles. Le statut des coopératives ne leur permettant pas d’être en déficit, elles ne pourront émouvoir Michel-édouard Leclerc et ne paieront aux producteurs que le reliquat de la recette d’une vente à perte. Le cas est déjà fréquent pour les fruits, les légumes et le vin dont la production nationale diminue, les producteurs étant nombreux à jeter l’éponge au terme de plusieurs saisons financièrement désastreuses.

Vendredi matin, Michel-édouard Leclerc avait reçu Nicolas Sarkozy pour une visite de son magasin de Bois-d’Arcy, dans les Yvelines. Au nom de la lutte contre la hausse des prix, le président de la République a déclaré à cette occasion qu’il proposait aux distributeurs « d’intégrer toutes les marges arrière dans le calcul de revente à perte ». Et comme les marges arrière sont des prestations souvent fictives facturées aux fournisseurs par les distributeurs, il va de soi que ces pertes sont essentiellement supportées par les seuls fournisseurs. Au regard de précédents abus, la loi Galland avait été votée en 1996 pour leur permettre de respirer un peu face à la puissance des distributeurs et de leurs centrales d’achat.

Aujourd’hui, le pouvoir veut bloquer les salaires pour satisfaire le MEDEF et contenir les dépenses budgétaires de l’État après avoir généreusement accordé l’essentiel du paquet fiscal aux nantis. D’où le rôle nouveau en passe d’être accordé à la grande distribution : elle devra contenir la hausse des prix dans des limites raisonnables et sera autorisée à généraliser les pratiques de voyous à l’égard de ses fournisseurs. Quitte à provoquer des faillites en nombre avec pour conséquence un nouveau recul des produits nationaux dans les rayons.

Gérard Le Puill

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