13/10/2007

2 textes qui mettent les points sur les i, voilà le programme ni plus ni moins

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Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! et
François Fillon avoue le but de ses réformes : « Moins de services, moins de personnel »

Vu sur L'Humanité
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style="font-weight:bold;">Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! » est le titre de l’éditorial du magazine Challenges signé par Denis Kessler

« Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! À l’époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les communistes. Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que la France ne devienne pas une démocratie populaire, et aux seconds d’obtenir des avancées – toujours qualifiées d’« historiques » – et de cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques acquises. Ce compromis, forgé à une période très chaude et particulière de notre histoire contemporaine (où les chars russes étaient à deux étapes du Tour de France, comme aurait dit le Général), se traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc. Cette « architecture » singulière a tenu tant bien que mal pendant plus d’un demi-siècle. Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de l’histoire, par le programme commun. Pourtant, elle est à l’évidence complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet plus à notre pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales, internationales. Elle se traduit par un décrochage de notre nation par rapport à pratiquement tous ses partenaires. Le problème de notre pays est qu’il sanctifie ses institutions, qu’il leur donne une vocation éternelle, qu’il les « tabouise » en quelque sorte. Si bien que lorsqu’elles existent, quiconque essaie de les réformer apparaît comme animé d’une intention diabolique. Et nombreux sont ceux qui s’érigent en gardien des temples sacrés, qui en tirent leur légitimité et leur position économique, sociale et politique. Et ceux qui s’attaquent à ces institutions d’après-guerre apparaissent sacrilèges. Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasidisparition du Parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l’essoufflement asthmatique du Parti socialiste comme conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento qui s’annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d’entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n’est pas un problème qu’en psychanalyse. »

Le magazine Challenges, 4 octobre 2007.

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François Fillon avoue le but de ses réformes : « Moins de services, moins de personnel »
Le premier ministre veut en finir avec le modèle français d’égalité de tous dans l’accès à tous les services publics.

« La réforme de l’État supposera que chacun d’entre nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’État sur son territoire. » François Fillon a lâché le morceau mercredi soir lors de la convention de rentrée des réformateurs de l’UMP. La centaine de parlementaires, qui se définissent eux-mêmes comme les « gardiens intransigeants des réformes », ont applaudi. Ceux qui ont cru à l’entreprise de séduction du chef de l’État affirmant vouloir « moderniser » le service public « en fonction des besoins de la société d’aujourd’hui » ont de quoi être douchés. Ceux qui avaient déjà décelé le vrai dessein gouvernemental sont confortés dans l’idée que la réforme de l’État vise à diminuer considérablement son périmètre d’intervention.

Comme il se trouve des élus locaux jusque dans les rangs de la majorité pour se plaindre, pour les uns de voir le tribunal de leur ville menacé de fermeture, pour les autres de voir disparaître l’hôpital, pour d’autres encore de subir un regroupement de services avec un bureau de poste qui s’installe dans le tabac du coin, le premier ministre a rappelé ses troupes à l’ordre : « La réforme de l’État général qui satisfait tout le monde mais qui ne se traduit par aucune suppression d’aucun établissement sur le territoire, ça n’existe pas. » François Fillon a aussi livré la raison de son empressement : « Marqué par le double souvenir de l’échec de 1988 et les grèves de 1995, notre camp s’est, malgré lui, peu à peu convaincu que la réforme devait être prudente, modeste, pour ne pas dire dissimulée. Mais on ne réforme pas vraiment en catimini, pas plus qu’on ne réforme seul au sommet de l’État. » À quelques jours du 18 octobre, date qui agrège de plus en plus de mouvements de protestation dans les services publics, l’UMP et ses élus sont appelés à serrer les rangs.

Même s’il a pris moins de précautions que le président de la République, François Fillon n’a pas gaffé. Il applique. Nicolas Sarkozy lui a explicitement demandé, dans son discours du 19 septembre sur la fonction publique, de réformer l’administration, de « refonder l’État ». Sa vision de ce que doit devenir l’État s’incarne dans une société où les solutions individuelles s’imposent. L’administration doit maigrir, se défaire des services de proximité. Elle doit déléguer des services à des entreprises privées ou rejeter les missions qu’il n’estime pas être de sa responsabilité sur les collectivités territoriales. Les projets sont déjà en route. La réforme de la carte judiciaire entérine la disparition de 400 juridictions, principalement les petits tribunaux d’instance et de prud’hommes. La fusion ANPE-UNEDIC, actuellement en préparation, entérinerait la suppression de guichets. La fusion des services des impôts (DGI) et de la comptabilité publique (DGCP), menée par le ministre du budget, Éric Woerth, est en fait un vaste mouvement de rationalisation de ces administrations. Concernant l’hôpital, la disparition des établissements de proximité est déjà à l’oeuvre, les « plateaux techniques » se concentrant dans les grandes agglomérations. Les établissements scolaires n’échapperont pas à la cure d’amaigrissement, Nicolas Sarkozy ayant prévenu qu’il y aura moins d’école une fois les programmes et les rythmes réformés. Lors de la convention de l’UMP sur les services publics, en juillet 2007, il envisageait déjà « le regroupement de plusieurs écoles dans un seul bourg ».

Paule Masson



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