LE MONDE | 27.10.07 | 14h03 • Mis à jour le 27.10.07 | 14h04
..La veille, les 13 et 14 novembre, alors que lui parviennent en ce moment les rapports sur le moral des gendarmes, Michèle Alliot-Marie se rendra, elle, au traditionnel rendez-vous de Montluçon, séminaire qui réunit chaque année les patrons de la gendarmerie. Or, de ce côté-ci, le moral, justement, n'est franchement pas bon. Rédigés une fois par an, ces rapports sont réalisés par strates successives, au niveau de l'arrondissement, du département, de la région puis synthétisés au niveau national. Ils constituent un indicateur précieux du climat de la "base" pour des militaires promis à passer sous la tutelle complète de l'intérieur au 1er janvier 2009 (Le Monde du 24 octobre), mais qui ne disposent pas de représentation syndicale.
Ainsi, le rapport du colonel Henry, commandant du groupement de gendarmerie départementale du Finistère, daté du 24 septembre, fait état d'une forte dégradation de l'ambiance. "Le moral des unités de groupement est jugé de très moyen à très mauvais, peut-on lire dans ce document que Le Monde s'est procuré. Dans les douze prochains mois, déjà vacillant, (il) devrait s'aggraver. (...) Personne n'est épargné, jusqu'au sommet de la hiérarchie."
Ce blues des gendarmes est principalement alimenté par la comparaison des conditions de travail et une rivalité exacerbée avec les policiers, qu'ils jugent mieux considérés qu'eux par le pouvoir en place. "Les gendarmes déplorent que les policiers, dont le temps de présence au travail est plus faible que le leur, voient une partie de leurs heures supplémentaires payées quand il est estimé que les militaires peuvent bien attendre", rapporte le colonel Henry.
"CLIMAT TRÈS MALSAIN"
Le chef de l'Etat n'est pas épargné. "Le désormais célèbre slogan "travailler plus pour gagner plus" est en contradiction flagrante avec la réalité des heures exercées par les gendarmes par rapport aux policiers", dénonce le rapport. Et le ton est particulièrement rude contre les syndicats de policiers : "Les gendarmes prennent conscience que finalement, accepter de servir l'Etat en consacrant plus de temps que leurs homologues policiers à leur mission ne leur rapporte rien puisqu'ils passent systématiquement après ceux qui ont un pouvoir de nuisance sociale."
Ces attaques font réagir Bruno Beschizza, secrétaire général de Synergie-officiers, qui décrit un "climat très malsain". "Ce document me fait penser à un papier d'origine syndical", dit-il en dénonçant des "fuites" organisées, notamment auprès de députés UMP. "C'est arrivé à un tel niveau que cela me rappelle 2001", ajoute-t-il, quand les gendarmes étaient descendus pour la première fois dans la rue. Une comparaison partagée par les intéressés eux-mêmes. "Nous ne sommes pas très loin de 2001", témoigne anonymement un officier de la gendarmerie.
Isabelle Mandraud
Article paru dans l'édition du 28.10.07.
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