La Cité de l'immigration ouvre ses portes sur fond de polémique
Reuters
Par Natacha Crnjanski et Kerstin Gehmlich Reuters - Mercredi 10 octobre, 09h26
En pleine polémique sur des aspects de la nouvelle loi sur l'immigration - tests ADN pour les candidats au regroupement familial et accès des sans-papiers à l'hébergement d'urgence, notamment - l'absence du président de la République et du ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale lors de l'ouverture du musée au public est remarquée.
Nicolas Sarkozy est en déplacement à Moscou et Brice Hortefeux sera mercredi en Espagne pour une consultation avec les autorités espagnoles "sur les questions migratoires"
La ministre de la Culture, Christine Albanel, sera en revanche présente. Son ministère, qui devrait financer plus de 40% de son budget total jusqu'en 2009, présente la CNHI comme un "élément majeur de la cohésion sociale et du pluralisme culturel".
"C'est un musée qui concerne l'histoire de 20 à 25% de la population de la France, (...) qui va pouvoir retrouver à travers ce musée l'histoire de leurs ancêtres ou sa propre histoire", explique Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, interrogé par Reuters, qui trouve "un peu choquante" l'absence du président de la République.
"C'est une histoire qui intéresse l'ensemble des Français, évidemment."
L'"ELLIS ISLAND" FRANÇAIS
Cet historien de l'immigration est l'un des huit universitaires (sur 12 associés au projet) qui, en mai, ont démissionné des instances officielles de la CNHI - tout en la soutenant - pour protester contre l'instauration "inacceptable" d'un ministère de l'Identité nationale.
"Je pense que (...) ce musée montre l'apport de l'immigration à l'égard de la France alors que le ministère (de l'Immigration et de l'Identité nationale) est un signal de méfiance à l'égard de l'immigration", juge-t-il.
"Le gouvernement est mal à l'aise avec un projet historique qui rapporte des faits qui se sont produits, plutôt que des préjugés."
Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, regrette quant à lui "un refus manifeste de reconnaître l'apport au patrimoine historique et culturel français de l'immigration".
"En cette période où il y a une parole visant à stigmatiser, à faire porter la suspicion sur les immigrés, cette attitude du gouvernement sonne aussi comme un gage donné à l'extrême-droite, elle sonne comme une victoire supplémentaire de l'extrême-droite sur l'immigration en France", a-t-il déclaré à Reuters.
"Cette inauguration est terriblement polluée par des discours aux antipodes de l'esprit même de ce musée."
Patrick Weil compare la CNHI à un "Ellis Island français", en référence au musée américain de l'Immigration, situé sur une île au sud de Manhattan où étaient autrefois accueillis et "triés" les immigrés arrivant par bateau en Amérique.
Un parallèle avec l'Amérique repris par Jacques Toubon, président de la CNHI. "La France a une histoire qui est unique en Europe: la France, c'est les Etats-Unis de l'Europe", a-t-il déclaré à Reuters.
PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ
"Aux Etats-Unis, on raconte l'histoire de ce pays comme celle d'un pays d'immigrants. Ici, nous avions un modèle d'intégration des immigrants qui comportait l'oubli de leurs origines", explique-t-il.
"Mais il y a eu une évolution, (...) on comprend à présent que notre modèle égalitaire s'accompagne d'une prise en compte de la diversité."
Le musée s'est installé dans le palais de la Porte Dorée, construit pour l'exposition coloniale de 1931, d'une surface de 16.000m2 et dont l'extérieur, recouvert de remarquables bas-reliefs de style colonial, est classé.
Le projet, évoqué pour la première fois à la fin des années 1980, tarde à voir le jour. La nécessaire impulsion politique viendra, en 2002, de Jacques Chirac - ce qui explique peut-être, disent les détracteurs du président, pourquoi Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité s'y associer.
"La nation française a été construite en partie par des millions d'hommes et de femmes venus dans ce pays, et cette nation est faite de cultures, religions, races, modes de vie apportés par ces immigrés", souligne Jacques Toubon.
"Notre projet est de faire connaître et reconnaître l'histoire de l'immigration dans l'histoire de France pour s'efforcer de changer, et d'améliorer, le regard contemporain sur l'immigration."
La Ligue des droits de l'homme, dénonçant un "climat politique dominé aujourd'hui par la restriction des droits des étrangers", a appelé à un rassemblement devant la CNHI mercredi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire