15/11/2007

"Bientôt ici plus d'opposant" ..ce qui nous attend si on ne fait rien

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Christian Vélot ne décolère pas. Depuis qu’il a sorti le nez de ses éprouvettes pour prendre position sur les OGM, ce chercheur en microbiologie moléculaire et professeur à l’université d’Orsay a des ennuis avec sa direction.

Un chercheur remercié après avoir pris position sur les OGM
Par Mathieu Eisinger (Documentariste) 16H06 13/11/2007
RUE89
Christian Vélot ne décolère pas. Depuis qu’il a sorti le nez de ses éprouvettes pour prendre position sur les OGM, ce chercheur en microbiologie moléculaire et professeur à l’université d’Orsay a des ennuis avec sa direction.

La voix encore pleine d’indignation, il évoque cette lettre du futur directeur de son laboratoire, reçue il y a trois semaines: "Tu comprendras que je ne peux pas compter sur toi pour le prochain contrat de 2010." Sa faute? "Peut-être vouloir informer les citoyens?", répond-il en forme de boutade.

Lors d'une réunion publique, il s'indigne des arguments d'un chercheur

Christian Vélot travaille sur des champignons. Pour comprendre les fonctions de certains gènes, il utilise des techniques OGM. Quand le débat sur les OGM agroalimentaires devient public en 2001, il s’étonne de la présentation qui en est faite.

Au cours d’une réunion publique d’information sur la question, il assiste médusé à une passe d’armes entre un chercheur et un agriculteur. Le premier, à court d’arguments, utilise un exemple souvent avancé par la profession: l’insuline, qui soigne des milliers de diabétiques, est synthétisée grâce à des OGM.

C’en est trop pour Christian Vélot, qui s'indigne:

"C’est facile. Beaucoup de gens ont des proches diabétiques. Utiliser la santé pour désarmer les gens et éviter les questions de fond, c’est vraiment malhonnête!"

L'homme n’a jamais eu la langue dans sa poche. Cette réunion marquera le début de son combat, et il va bientôt fédérer autour de lui beaucoup d'opposants aux OGM: derrière le chercheur se cache en effet un très bon pédagogue. La base de son analyse? Il faut séparer deux types d’OGM: les outils, qui vont servir en recherche et en médecine; et les produits finaux, que l'industrie agroalimentaire souhaite généraliser. (Voir la vidéo.)


Au cours d’une table ronde organisée par le Crédit agricole, Christian Vélot monte pour le première fois à l’estrade, devant un parterre d’agriculteurs. Contrairement aux craintes des organisateurs, pas de foire d’empoigne. Les pro et les anti OGM apprécient son discours.

Des prises de position nuancées, mais qui agacent sa hiérarchie

Le bouche-à-oreille fonctionne bien, et bientôt, on le demande un peu partout. Sa popularité grandissante et ses prises de position font grincer des dents dans son laboratoire. Pourtant, son discours reste nuancé, et ne devrait pas gêner sa direction. Mais c’est sans compter les réflexes corporatistes de certains scientifiques.

Les pressions vont crescendo: ses crédits de recherche sont amputés, on lui refuse le renfort d'une doctorante, on l'oblige à déménager... avant de lui montrer la porte. (Voir la vidéo.)


Côté direction, motus et bouche cousue. La tension est palpable. La directrice, jointe au téléphone, explique que ses autorité de tutelle lui interdisent "toute déclaration sur le sujet". Frédéric Dardel, directeur du département Science de la vie au CNRS, sera plus loquace: "Le futur directeur a tout loisir pour composer ses équipes, les critères d’éviction sont scientifiques, il n’y a pas eu de discrimination à son égard."

Ces critères? Le nombre de publications et... rien d’autre. Dans le jargon du CNRS, Christian Vélot est un "non-publiant". Certes, un chercheur doit montrer l’avancement de son projet à la communauté scientifique à travers des articles dans la presse scientifique.

Mais le nombre de publications est cyclique. Christian Vélot a réuni son équipe en 2005, son thème de recherche est nouveau, et il a des publications en préparation. Quant aux "discriminations", il est bien le seul chercheur de son institut à avoir eu la totalité de ses crédits récurrents réquisitionnés, au titre de la restructuration financière.

Un statut protecteur pour les "lanceurs d'alerte"

"On ne peut espérer des critiques constructives si on bafoue les chercheurs dans leur liberté de parole", commente Christian Vélot. Qui ne compte pas en rester là. Il participait récemment à une conférence de presse commune avec d’autres chercheurs qui, comme lui, subissent des pressions.

Pour se défendre, ils veulent s'inspirer du statut juridique dont bénéficient leurs collègues anglo-saxons. Ce dernier protège les acteurs de la société civile qui dénoncent des agissements contraires à l’intérêt public.

On les appelle les "whistleblowers", en français les "lanceurs d'alerte". L'idée en intéresse beaucoup dans l'Hexagone. C’était même l'une des propositions étudiées par le groupe "gouvernance" du Grenelle. Elle n’a pas été retenue.



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