Novembre 2005 : Zied et Bouna
Novembre 2007 : Lamary et Mouhsin
Dans un article d’« Analyse » paru dans Le Monde en date du 29 novembre, l’auteur s’interroge sur les « différences » entre les « violences urbaines » de 2005 et celles qui viennent de se dérouler dans le Val d’Oise. Il aurait mieux fait de s’interroger sur les ressemblances entre les causes de ces deux révoltes anticolonialistes. Et, parmi les ressemblances que nous pourrions relever, il y en a trois qui sautent aux yeux.
Première ressemblance : dans les deux cas, les victimes sont un NOIR et un ARABE.
Deuxième ressemblance : il y a deux ans comme aujourd’hui, leur mort est la conséquence de l’action policière.
Troisième ressemblance : en novembre 2005, Sarkozy dénonçait la « racaille » ; en novembre 2007, il incrimine la « voyoucratie ».
Ces ressemblances sont-elles dues au hasard ? Non. A elles seules, elles résument une dimension fondamentale de la société française contemporaine : la fracture raciale. Etre Noir ou Arabe en France, aujourd’hui, c’est être la cible privilégiée de la surveillance et de la répression policière. Si le nombre de Noirs et d’Arabes dans les prisons est considérable par rapport à leur proportion dans la société, c’est pour une part, comme disent les gens de gauche, parce qu’ils sont relégués dans des conditions sociales dramatiques, dans le chômage, la précarité et des conditions de logements déplorables. C’est aussi (mais ça, les gens de gauche n’aiment pas le dire) parce que, en tant que Noirs et Arabes, ils sont soumis à un « code de l’indigénat » qui, s’il n’existe pas formellement dans l’arsenal juridique de la République, est pourtant bien une réalité au niveau des pratiques de l’Etat : être blanc, aujourd’hui en France, c’est, à l’instar des Blancs dans les anciennes colonies, bénéficier des garanties offertes par la loi ; c’est éventuellement être passibles de sanctions pour des délits définis précisément par la loi. Etre noir ou arabe, aujourd’hui en France, ou être assimilé aux Noirs et aux Arabes comme tant de jeunes blancs des quartiers populaires, c’est, à l’instar des indigènes des anciennes colonies, être dépendant de l’arbitraire administratif et policier ; c’est être passible de sanctions pour la moindre des « incivilités ».
Zied et Bouna, Lamary et Mouhsin, n’ont commis aucun délit. Comme tant d’autres avant eux, ils sont morts parce qu’ils étaient Noirs et Arabes. Un Noir ou un Arabe ne commet pas de délits ; sa seule existence est déjà un délit. C’est pourquoi, lorsque Sarkozy parle de « voyoucratie », il ne peut pas être condamné pour racisme ; il s’est contenté en effet d’énoncer la loi non dite de la société française : Noir/Arabe = indigène = voyou. La révolte du Val d’Oise est anticolonialiste, tout simplement parce qu’elle est une protestation en acte contre cette loi qui n’est autre que la loi de l’indigénat.
L’an passé, à la même époque, notre journal titrait un dossier consacré à la révolte de 2005 : « Un an AVANT la prochaine révolte ». Ce n’était pas une prophétie difficile à faire. Il suffisait de penser que bien souvent les mêmes causes produisent les mêmes effets. Eh bien, que le gouvernement colonialiste soit prévenu : tant que les Noirs et les Arabes seront soumis à un régime d’exception, la révolte continuera de couver et explosera à la moindre occasion, quel que soit le nombre de policiers mobilisés et les armes dont ils disposeront. Ce n’est pas une menace, ce n’est pas un souhait, c’est juste un pronostic. Et il est facile de prévoir que les occasions de révolte se multiplieront rapidement. Car, il y a une différence notable entre novembre 2005 et novembre 2007 que n’a pas cru bon de souligner l’« analyste » du Monde : en 2005, le chef des ultras du camp colonialiste était ministre de l’Intérieur ; en 2007, il est président de la République.
* Ce texte sera publié en éditorial du numéro 10 de notre mensuel L’Indigène de la République à paraître très prochainement.
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