22/12/2007

Jurisprudence possible, énorme !!

Partager
La cour d'appel a invalidé l'interpellation d'un sans-papiers d'origine soudanaise qui traversait une rue hors des clous.

L'avocat n'avait pas osé en rêver... la cour d'appel de Rennes l'a fait. Le tribunal a décidé de sanctionner un cas de contrôle au faciès sur la voie publique, alors que le défenseur du sans-papiers poursuivi, placé en centre de rétention, n'avait même pas pensé à utiliser cet argument.A Rennes, la justice refuse les contrôles au faciès
Par Chloé Leprince (Rue89) 14H35 19/12/2007

Les faits: le 3 décembre, Osman Alomda, 25 ans environ, traverse la rue Saint-Martin, à Rennes. Une rue à proximité de l'auberge où, comme d'autres demandeurs d'asile, il est hébergé depuis quelques mois. Il est 11h55 quand une voiture de la Police de l'air et des frontières affirme l'avoir vu traverser la chaussée "en diagonale". Sur le procès verbal, les policiers indiquent:

"Un individu de taille moyenne vêtu d'un blouson beige et d'un pantalon beige traversant la chaussée diagonalement et de plus en dehors d'un passage piéton, alors que se trouve un passage piéton à moins de 50 mètres, et obligeant notre véhicule ainsi que celui qui nous suit à freiner brusquement."

Du point de vue des forces de l'ordre, les choses sont donc claires: l'homme d'origine soudanaise au "blouson beige et pantalon beige" a traversé hors des clous. Ce qui lui vaut un contrôle d'identité. Sans titre de séjour valable, il est aussitôt placé en centre de rétention, où le juge des libertés prolonge son séjour de quinze jours, le 4 décembre, au lendemain de l'arrestation.

Interpeller les piétons pour atteindre les objectifs chiffrés d'expulsions

Mais pour la cour d'appel de Rennes, le non-respect du passage piéton invoqué n'est qu'un prétexte. Son premier président a en effet rendu le 7 décembre une ordonnance qui invalide ce contrôle. Et en profite pour dénoncer les pratiques des policiers, alors que la pression n'a jamais été si forte en matière d'objectif de chiffres de reconduite à la frontière.

Pour cela, le magistrat a en fait exhumé le PV rédigé par les policiers dans le cadre d'une précédente affaire de contrôle d'identité, le 27 septembre, qui concernait un ressortissant géorgien, déjà à Rennes.

Dans son ordonnance, dont Rue89 a obtenu un exemplaire, la cour d'appel stipule ainsi:

"Si l'indiscipline de certains piétons est un fait avéré, la répétition des situations décrites dans les PV en des termes rigoureusement identiques est pour le moins troublante."

En clair: le juge, qui conclue à "un contrôle d'identité entâché de nullité" rejette le motif -traverser en dehors des clous- mais aussi la procédure, puisqu'il reproche aux policiers d'avoir fait "un copié-collé" d'un PV à l'autre.

Précisant que seule la couleur du pantalon et du blouson avaient été modifiées par rapport à la précédente affaire du mois de septembre, la cour d'appel estime qu'il "ne résulte pas de la procédure que les policiers avaient des raisons plausibles de soupçonner que l'intéressé avait commis une infraction".

"Si deux voitures de couleur différente crament un feu rouge, le PV sera le même"

De là à en conclure que le tribunal a souligné "l'arbitraire" des contrôles sur les piétons dans la rue, il n'y a qu'un minuscule pas, aussitôt franchi par Me Salomon Loko. L'avocat rennais commis d'office pour défendre le jeune Soudanais se félicite de l'initiative de la cour d'appel:

"Moi, je plaidais surtout l'irrégularité du contrôle, parce que les policiers avaient menti en disant que mon client traversait en diagonale. Lui m'assure qu'il a pris le passage piéton. Or il n'y a pas de témoins, évidemment, puisque la voiture de police l'a aussitôt embarqué.

"Je ne connaissais pas l'existence de la première affaire, je n'avais pas fait le lien. Heureusement que le premier président l'a fait."

Côté policiers, on ne décolère pas de ce camouflet. Délégué du syndicat Alliance à la PAF à Rennes, Jacques Ecran juge la décision de la cour d'appel "très sévère" pour les hommes de son équipe qui ont rédigé le PV :

"Je m'étonne de voir que la cour relaxe un contrevenant alors que le PV est régulier. Si c'est une décision politique, le juge se garde bien de le dire. Or, il ne dit pas non plus que ce que les policiers constatent est faux.

"Cette histoire de copié-collé ne tient pas debout: si deux voitures de couleur différente crament un feu rouge, le PV sera le même à la couleur près."

Dans les rangs des policiers, on estime que "cette décision fera jurisprudence".Osman Alomda, le piéton, a quant à lui été remis en liberté après l'audience devant la Cour d'appel.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire