Ce lexique « pue l’authenticité » selon Cédric, car c’est la première fois que des jeunes des cités prennent du recul par rapport à leur propre vocabulaire. Mais le jeune homme ne veut pas rentrer dans la caricature. « Il ne faut pas croire que nous n’avons que les 241 mots du Lexik dans notre vocabulaire. On change de disquette en permanence ! On se met en mode langage des cités avec les amis et on repasse en français académique avec les parents, les profs, les patrons… » Depuis un mois, les dix jeunes sont invités sur de nombreux plateaux de télévision et de radio, mais certains animateurs sont parfois déçus de ne pas les entendre « parler racaille ».
Avec ce livre, Cédric est parti en « quête des mots », de leur sens et de leur étymologie. Pendant trois ans, deux soirs par semaine, les week-ends et les vacances, il s’est plongé avec ses camarades dans les dictionnaires, sur Internet et a interrogé des linguistes pour retracer l’histoire de ce vocabulaire coloré, emprunté aussi bien à l’ancien français qu’aux langues africaines ou au portugais. Le Lexik des cités, que Cédric a également illustré, nous apprend ainsi que « padig » est une expression créole originaire des îles anglophones, « don’t dig about this », signifiant « ne creuse pas l’affaire » et par extension « laisse tomber », « ne t’en fais pas ». Il se souvient que l’un des mots qui leur a donné le plus de fil à retordre fut « meskin ». Ils ont finalement découvert que ce terme était issu de la langue mésopotamienne, dans laquelle il signifiait « celui qui se soumet, se prosterne » et que par déformation, il était désormais employé pour exprimer la pitié, « le pauvre ».
Aujourd’hui, Cédric affirme ne plus pouvoir se passer « de son ami Robert », en référence au dictionnaire. Il s’amuse même parfois à ouvrir ce dernier au hasard et à apprendre quelques mots. La réalisation de ce livre lui a redonné le goût de la lecture. A la fin des romans, il n’hésite pas à faire des petits lexiques des mots dont il a recherché le sens, pour les prochains lecteurs. Et lorsque des détracteurs reprochent au « Lexik… » « d’assassiner la langue de Molière », Cédric répond avec malice : « Assassiner, c’est un mot qui vient de l’arabe, non ? »
Julie Robelet (Extramuros)
*« Lexik des cités », collectif, éditions Fleuve Noir
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