1 décembre 07 at 20:36,
REPVBLICÆ, Françoise
Lorsque Sakho Djimo avait été dénoncé par un employé de la Poste, nous avions été nombreux à nous demander si c’était la décision d’une personne trop « zélée » ou si cela avait été fait « sur ordre ». La réponse vient peut-être de nous être donnée :
Rue89 : Services publics : tollé contre la « chasse aux étrangers ».
L’émoi enfle chez les employés du service public en contact avec les étrangers. Depuis plusieurs mois déjà, les consignes se font plus strictes en matière d’accueil et surtout de vérification des titres de séjour, même si, à certains guichets, on dénonce une incitation à la délation. […]
Cette semaine, les employés d’un chapelet de services publics de Haute-Garonne (de l’ANPE à la Cram en passant par l’Urssaf ou la Ddass) ont appris qu’ils seraient désormais invités à partir en stage… à la Police de l’air et des frontières (PAF).
La Police de l’air et des frontières est en effet chargée d’aider fonctionnaires et travailleurs sociaux à muscler la prise en charge des étrangers amenés à transiter par leurs services. En fait, le document officiel de la préfecture précise que le stage de trois jours et demi vise à former un « groupe de référents » censés alerter directement la PAF, la gendarmerie ou la police pour tout document qui leur semblerait falsifié. Le texte officiel le stipule : la gendarmerie se présentera alors « sur simple appel » d’un employé d’une des administrations. […]
À l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), les protestations sont aussi allées crescendo depuis la diffusion de document officiel demandant explicitement au personnel de photocopier et de transmettre, « par envoi recommandé avec accusé de réception », les titres de séjour de tous les étrangers qui transitaient par leur service à la préfecture, chargée de les vérifier un par un. […]
La montée au front des salariés de l’ANPE commence a porter ses fruits : « lors de la dernière réunion paritaire, vendredi 23 novembre, Christian Charpy, le directeur général de l’ANPE nous a annoncé que cette procédure était suspendue… mais attention : une autre procédure est à l’étude avec le ministère de Brice Hortefeux. » Avec, en ligne de mire, l’idée d’un contrôle électronique automatique, qui inquiète aussi le personnel. […]
Ainsi, au foyer Aurore, dans le quartier de Montparnasse à Paris, Anne Godard, la directrice, a fait des bonds en voyant le courrier à en-tête de la CAF que certains de ses soixante résidents avaient reçu : « Seuls nos résidents de nationalité étrangère ou dont le nom est d’origine étrangère ont été priés de transmettre « une copie intégrale d’acte de naissance récente » afin d’établir le numéro de sécurité sociale. C’est honteux de faire un fichier en fonction de l’origine des gens. »
À la Caisse d’allocations familiales du XVᵉ arrondissement, le chargé de mission qui a signé le courrier reçu au foyer Aurore, contacté par Rue89, assure que cela n’a « rien à voir » avec la nationalité des allocataires, et moins encore avec l’origine de leur nom : « C’est simplement une question d’état civil : nous mettons en place un nouveau répertoire qui nécessite qu’on vérifie les numéros de sécurité sociale. Or nous avons beaucoup d’homonymes et le plus grand mal à vérifier l’état civil de ceux qui sont nés à l’étranger. Mais le problème se poserait tout autant pour un Français né à l’étranger de parents militaires ! La CAF ne fait aucune vérification selon l’origine des gens ! »
La méfiance reste pourtant de mise, au foyer Aurore. Marie Voirin, assistante sociale sur place, constate ainsi que, parmi les résidents dont elle suit personnellement le dossier, trois ont pour l’instant reçu le courrier… « un Pakistanais, un Tunisien, et un Algérien ». Elle affirme que, quand elle a composé le numéro de la plate-forme de la CAF, on lui a répondu au téléphone que cette procédure concernait « seulement les étrangers ». Or Anne Godard affirme que deux Français d’origine étrangère, l’un d’origine algérienne, l’autre d’ascendance espagnole, l’ont reçu… « et comme par hasard, pas leur voisin de chambre, blond et 100% Français si j’ose dire ! »
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On institutionnalise la délation. On va même aider les fonctionnaires et travailleurs sociaux « à muscler la prise en charge des étrangers amenés à transiter par leurs services. » Appelons un chat un chat, cela revient à faire de ces personnes des auxiliaires de la police.
Ces personnes doivent apprendre à « muscler la prise en charge » ? Qu’est-ce à dire ? Va-t-on leur fournir à ces fonctionnaires et travailleurs sociaux des matraques, des flash-balls, des tasers, des menottes et autres gadgets ? Va-t-on les entraîner à des sports de combats ? Cela me semble indispensable pour faire face aux terribles dangers qu’ils doivent affronter… J’exagère ? Peut-être…
On va former des « groupes de référents ». « Référents », que voici un joli mot ! Dommage qu’il n’ait de sens qu’en linguistique. Il ne manque pourtant pas de substantifs plus parlants (si j’ose dire) pour désigner ces collaborateurs de la PAF, de la gendarmerie ou de la police. Je pense par exemple à délateur, dénonciateur, donneur, mouchard, indic’, balance…
Voilà où nous en sommes. Cela rappelle de bien sombres moments de l’histoire de notre pays. Jusqu’où irons-nous dans l’ignominie ? Jusqu’à faire la guerre au Peuple…
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