08/12/2007

Lettre d'une proviseur, réponse de parents d'élèves...

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nouvelles poitevines (encore)
menaces de sanctions au lycée Camille Guérin de Poitiers

Voilà la lettre reçue par les familles des élèves du lycée Camille Guérin à Poitiers ainsi que la réponse de l'une d'entre elle. Il y aura d'autres réponses sans doute. Ce cas n'est certainement pas isolé. Les parents qui soutiennent le mouvement doivent se regrouper.

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Lycée Camille Guérin Poitiers Le 4 décembre La proviseure à ….

Objet : blocage du lycée et perturbation des cours

Madame, monsieur, Une nouvelle fois aujourd'hui, nous avons eu à subir un blocage de l'établissement. Ce blocage est le fait d'un groupe d'individus qui souhaitent avant tout s'abriter derrière le « groupe élève », et éviter ainsi les sanctions en faisant voter de pseudo « Assemblées Générales ». Je voudrais faire avec vous un point rapide : Nous en sommes à trois mardis et un jeudi de perturbation, certains laissant entendre une poursuite jusqu'aux vacances de Noël. Comment les élèves vont-ils rattraper ce retard ?
en classe de 1ere : le mardi après-midi est consacré aux TPE, qui seront présentés quoi qu'il en soit en février.
En classe de terminale : les élèves peuvent-ils se permettre de manquer autant de cours ?
- en classe de seconde : les perturbations enregistrées au moment du CPE (en 2005-2006) avaient eu pour conséquence de doubler le taux de redoublement. En effet, toute agitation fragilise encore plus les élèves en difficulté, qu'elle soit scolaire ou autre.

Voilà pourquoi il paraît d'autant plus scandaleux d'entendre de la part d'élèves meneurs (qui demanderont d'ailleurs une place en CPGE) : « Le redoublement n'est pas important lorsque la cause est juste ! » (raisonnement valable pour les autres !)

Enfin, permettez-moi de vous soumettre le cas d'élèves, internes, de terminale : ils ont la chance de bénéficier d'une place à l'internat, et en profitent pour bloquer les accès aux salles, alors que du fait même de la petite taille de notre internat (60 place pour les filles, 30 pour les garçons), certains élèves font jusqu'à 1 heure 30 de trajet le matin et le soir…

Je voudrais rappeler ici : 1. Que le blocage d'un établissement scolaire est ILLEGAL. Chacun doit pouvoir accéder aux salles de cours dans lesquelles les enseignants sont présents et font cours (contrairement aux allégations mensongères facilement répandues). 2. Que le lycée étant un lieu d'enseignement et non de garderie, tout élève qui ne souhaitera pas monter en cours retournera dans sa famille. 3. Que les internes qui ne respecteront pas les règles de l'internat et empêcheront leurs camarades de suivre leur enseignement perdront leur place au bénéfice des suivants sur la liste d'attente. 4. Les absences en cours vous seront signalées par courrier, et comptabilisées sur els bulletins scolaires. 5. Que je recevrai en fin de semaine les familles des principaux leaders de ce mouvement, qui tend à déstabiliser notre établissement et à créer un climat plus que délétère.

Chaque famille doit prendre en compte les enjeux et raisonner les enfants. La réussite de cette action dépend de notre étroite collaboration. Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

ET LA REPONSE

LETTRE OUVERTE A MADAME LA PROVISEURE DU LYCEE CAMILLE GUERIN


Le 6 décembre 2007

Madame la proviseure,

Dans une lettre du 4 décembre 2007 adressée aux (ou à des) parents d'élèves concernant le « blocage du lycée » et la « perturbation des cours », vous citez cette phrase, attribuée à des « élèves meneurs » et que vous jugez scandaleuse : « Le redoublement n'est pas important lorsque la cause est juste. » Or, pour notre part, nous serions plutôt agréablement surpris et même fiers qu'elle ait été prononcée, en ces temps où l'arrivisme, le carriérisme et l'argent se posent en valeurs plus importantes que la justice. Car enfin, puisque l'instruction civique semble être une des préoccupations actuelles de l'Education nationale, ne vaut-il pas mieux apprendre à nos enfants qu'un « désordre est préférable à une injustice », que « la loi n'est pas au-dessus de la morale », et que lorsqu'une situation nous semble injuste nous avons le devoir de désobéir, comme c'est indiqué dans la Constitution de 1793, plutôt que de couiner : « Qu'un sang impur abreuve nos sillons » ? Oui, Madame, quand bien même sacrifieraient-ils (ce qui n'est pas le cas) un an de scolarité pour une cause qu'ils jugeraient juste, ce serait plutôt une bonne entrée dans la vie pour des jeunes de 18 ans. Pourquoi voudriez-vous qu'ils ressemblent déjà à des adultes qu'argent, pouvoir et position sociale ont prématurément vieillis ? Mais, de toute façon, sur cette question du redoublement vos arguments sont fallacieux : déclarer que les perturbations au moment du CPE ont eu pour conséquence de doubler le taux de redoublement relève plus de la propagande que de l'information. Que diriez-vous si un élève se présentait à vous, tout content de vous annoncer qu'il vient de doubler sa note... par exemple en mathématiques... en ayant 2 au lieu de 1 ? Donnez-nous donc les chiffres, et - surtout - prouvez-nous la corrélation avec l'opposition au CPE ! Vous savez bien - toutes les études le montrent et les ministères eux-mêmes en ont été d'accord - que depuis quarante ans aucun mouvement étudiant ou social n'a fait diminuer le pourcentage de réussite aux examens. Toute affirmation contraire relève de la menace pour tenter de briser un mouvement et permettre ensuite de dire que « grâce aux efforts de tout le monde nous nous en sommes sortis ». Dans votre lettre, vous parlez de chance concernant l'accès à l'internat - et pourquoi pas au lycée ? Non, Madame, l'accès à l'enseignement et aux établissements scolaires, fussent-ils d'excellence comme souhaite l'être Camille-Guérin, est un droit, et si tous et toutes n'y accèdent pas ce n'est pas par « manque de pot » mais du fait de leur origine sociale, pour l'essentiel… Et c'est là, finalement, tout le sens de l'opposition à la loi Pécresse - loi qui est un pas en avant de plus dans la longue marche de la soumission de l'enseignement aux normes de « performance », de « réussite », de « mérite » que réclame le patronat, et qui cache mal une attitude de « Pousse-toi de là que je m'y mette » et une réalité : la sélection sociale. Alors, qu'un peu de sable grippe les rouages de cette machine à soumettre les jeunes aux normes de la productivité, au détriment du plaisir gratuit de la connaissance et du libre choix, ne peut que nous réjouir ; et c'est pourquoi, globalement, nous sommes solidaires du mouvement qui agite le monde de l'éducation - pas seulement les élèves, nous l'espérons, mais aussi les enseignants et les parents, eux-mêmes salariés et victimes des mêmes choix de société. Blocage ou non, ce n'est pas là question de fond, mais de stratégie, et c'est aux élèves d'en décider. Nous devons tous et toutes prendre en compte les enjeux de cette lutte, car sa réussite dépend aussi de notre étroite solidarité. Recevez, Madame, nos sincères salutations.

Deux parents d'élève de Camille Guérin
le samedi 8 décembre 2007 à 15h07



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