L’OTAN reçoit un « manifeste pour une frappe nucléaire préventive »
24 janvier 2008
Par Ian Traynor, The Guardian, 22 janvier 2008
L’occident doit être prêt à recourir à une frappe nucléaire préemptive pour tenter de mettre un terme à la menace « imminente » de prolifération nucléaire et des armes de destructions massives.
Les auteurs sont d'anciens responsables militaires de cinq pays qui, à part la France, sont naturellement atlantistes : le général américain John Shalikashvili, ex-commandant en chef de l'OTAN en Europe, le maréchal britannique Lord Peter Inge, le général allemand Klaus Naumann, ancien président du comité militaire de l'OTAN, le général néerlandais Henk van den Breemen et l'amiral français Jacques Lanxade.
Il a été ambassadeur de France en Tunisie, et président de la Fondation méditerranéenne pour la recherche stratégique.Il était à la tête des armées françaises pendant le génocide rwandais.Jacques Lanxade est membre du comité international de parrainage de la revue Politique américaine.
La rédaction de ce manifeste est intervenue après des discussions avec des responsables militaires d’active et des responsables politiques, qui pour la plupart ne peuvent ou ne veulent faire part publiquement de leurs conceptions. Il a été transmis ces dix derniers jours au Pentagone et au secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer.
Les auteurs sont le général John Shalikashvili, ancien Chef d’Etat Major US et ex commandant en chef de l’OTAN en Europe, le général Klaus Naumann, ancien chef des forces armées allemandes et ex président du comité militaire de l’OTAN, le général Henk van den Breemen, ancien Chef d’Etat Major hollandais, l’amiral Jacques Lanxade, ancien Chef d’Etat Major en France, et Lord Inge, maréchal et ancien Chef d’Etat Major au Royaume Uni.
Ils dépeignent un tableau alarmant des menaces et des défis auxquels est confronté l’occident dans le monde après le 11 septembre, et portent un verdict sévère sur ses capacités à y faire face.
Les cinq militaires affirment que les valeurs de l’occident et son mode de vie sont menacés mais que l’ouest peine à rallier les volontés pour sa défense. Les menaces majeures qu’ils identifient sont :
Le fanatisme politique et le fondamentalisme religieux.
La « face sombre » de la mondialisation, c’est-à-dire le terrorisme international, le crime organisé et la prolifération des armes de destruction massive.
Le changement climatique, potentiellement responsable de migrations « environnementales » de masses et la sécurité énergétique, entraînant une lutte pour les ressources.
L’affaiblissement des Etats nations et des organisations internationales comme l’ONU l’OTAN et l’Europe.
Pour garder l’avantage l’OTAN devrait, selon eux, procéder à une révision de ses méthodes de prise de décision, mettre en place un nouvel « organe de direction [2] » rassemblant les dirigeants des USA, de l’Europe et de l’OTAN, capable de répondre rapidement aux crises. Ils appellent également l’Europe à mettre fin à son « obstruction » au sein de l’OTAN, et à sa rivalité avec l’Alliance. Parmi les changements les plus radicaux proposés, ils réclament :
La substitution du vote majoritaire à la règle du consensus, pour la prise de décision dans les instances de l’OTAN, ce qui permettrait d’agir plus rapidement et mettrait un terme aux droit de veto des nations participantes.
L’abandon du système des restrictions nationales à l’emploi des forces (caveats) dans les opérations de l’OTAN comme c’est le cas en Afghanistan.
L’absence de voix au chapitre dans les prises de décisions sur les opérations de l’OTAN pour les membres de l’alliance qui ne participent pas à ces opérations.
L’usage de la force sans autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU lorsqu’une « action immédiate est nécessaire pour protéger un grand nombre de vies. »
Venant après les dissensions qui se sont fait jour quant aux résultats de l’action de l’OTAN en Afghanistan, et la « sortie » du Secrétaire à la Défense US Robert Gates qui a déclaré que certains alliés n’étaient pas à même de mener des opérations de contre insurrection, les cinq hauts responsables estiment également que c’est le futur de l’OTAN qui se joue dans la province du Helmand.
« La crédibilité de l’OTAN est en jeu en Afghanistan, » déclare Van den Breemen.
« L’OTAN traverse une crise et risque l’échec, » lit-on dans ce document.
Naumann s’est livré à une attaque en règle sur l’action de son pays en Afghanistan. « Le temps est venu pour l’Allemagne de décider si elle veut être un partenaire fiable. » En insistant sur les « règles spéciales » qui limitent l’emploi des forces allemandes en Afghanistan, le gouvernement Merkel contribue à la « décomposition de l’OTAN. »
Ron Asmus, un ancien fonctionnaire du Département d’Etat qui dirige le German Marshall Fund, un think tank basé à Bruxelles, appelle ce manifeste un « appel au réveil. » « Ce rapport signale que le cœur de l’institution nous avertit que avons un problème, que l’occident est à la dérive et ne fait pas face aux défis. »
Naumann admet que la thèse de la première frappe nucléaire a fait l’objet de « controverses » y compris parmi les cinq signataires. Inge a affirmé que « nous lier les mains sur l’usage ou le non usage de la première frappe prive d’une grande part de la dissuasion. »
Durant la guerre froide, se réserver le droit de déclencher la première attaque nucléaire jouait un rôle central dans la stratégie de défense contre l’Union Soviétique. Mais cette conception est critiquée par ceux qui affirment que cet instrument, utile lors du face à face avec une puissance nucléaire, n’est plus de mise aujourd’hui.
Robert Cooper, dont l’influence sur la politique étrangère et les questions de sécurité à Bruxelles est reconnue, se déclare « perplexe. »
« Peut-être allons nous utiliser les armes nucléaires avant quiconque, mais je serais réticent à l’idée de le dire à voix haute. »
Un autre haut fonctionnaire de l’Union estime que l’OTAN avait besoin de « repenser sa posture nucléaire, car le modèle de la non-prolifération subit d’énormes pressions. »
Nauman suggère que la menace d’une attaque nucléaire est inspirée par la désespérance. « La prolifération s’étend et nous n’avons que peu d’options pour la stopper. Nous ne savons pas comment réagir à cela. »
L’OTAN avait besoin de montrer « qu’il y a un gros bâton que nous pourrions avoir à utiliser s’il n’y a pas d’autre option, » juge-t-il.
Publication originale The Guardian, traduction http://contreinfo.info/
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