Les médias complices du Président ?
L’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence a restreint pour les journalistes l’accès aux conseillers et aux ministres juge Axel Krause, secrétaire général de l’association de la presse anglo-américaine à Paris, journaliste au Transatlantic Magazine. « C’est une stratégie de communication qui vise à contrôler l’accès aux sources » analyse-t-il. Il révèle que le président de la République se serait plaint des médias allemands auprès de l’ambassade d’Allemagne à Paris. Longtemps rédacteur et correspondant de l’International Herald Tribune, Axel Krause était présent à l’hyper-conférence de presse de Nicolas Sarkozy le 8 janvier.
Axel Krause: « La conférence de presse de Nicolas Sarkozy m’a rappelé une des dernières conférences de presse du général de Gaulle à laquelle j’ai assisté, en arrivant à Paris. Les questions étaient plus ou moins organisées. Peut-être secondaires. Les collaborateurs de Nicolas Sarkozy donnaient l’impression de tendre le micro à certains journalistes. A mes yeux, quelques questions étaient insuffisamment préparées. Et il n’y a pas eu de follow-up, de reprise des questions. J’ai trouvé le style du Président parfois arrogant. Sur les 35 heures et l’Europe, il a laissé beaucoup de questions en suspens.
Sa stratégie privilégie la communication plutôt que l’information, avec la complicité des médias français. L’Elysée considère les médias étrangers comme beaucoup plus critiques. Selon des confrères journalistes allemands, le président français s’est plaint devant l’ambassadeur d’Allemagne de la façon dont les médias allemands traitaient la politique française. On a vu aussi la manière dont il a brutalement interrompu l’interview de Sixty Minutes lorsque la journaliste de CBS lui a posé une question sur sa vie privée qui, pourtant, faisait les une des journaux.
Les journalistes essayent de faire leur travail mais ont un accès plus restreint aux conseillers des ministres et à ceux de l’Elysée depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Il y a peu de fuites. Les ministres sont très contrôlés et leurs collaborateurs aussi. Ils privilégient les interviews radio ou télé au détriment des points presse. C’est une stratégie de communication qui vise à influencer l’orientation des articles en contrôlant l’accès aux sources. Et qu’est-ce qu’un journaliste sans accès à ses sources ?
Par ailleurs, la proximité de l’actuel président avec l’actionnariat de certains médias pèse son poids. Un contrôle s’exerce. J’ai été interviewé au sujet de la conférence de presse par une télévision : ils n’ont gardé que les aspects positifs de ma déclaration. Aujourd’hui, les rapports entre les journalistes français et leur Président sont beaucoup plus difficiles qu’avec Chirac qui était plus décontracté par rapport à l’information. Avec Nicolas Sarkozy, on a presque un événement par semaine qui évoque The West Wing, cette série américaine sur la Maison Blanche. La semaine dernière, Tony Blair s’est rendu à l’UMP. Pour Sarkozy, c’était un événement. Il y a un calendrier d’événements, qui n’aurait pas de sens sans le suivisme de la presse et des médias. Mais le sujet de la vie privée, on l’a vu, est un sujet à double tranchant, puisque l’opinion semble désormais y porter moins d’intérêt qu’aux questions économiques et sociales. »
Le Contre Journal - 15/01/2008
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