23/05/2008

Sécurité - Les policiers municipaux pourront se doter de Taser

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La ministre de l’Intérieur a signé un décret généralisant le pistolet à impulsions électriques, mais refuse d’en « banaliser l’emploi ».
Philippe Cohen-Grillet Edition France Soir du jeudi 22 mai 2008




Les 17.000 agents de sécurité employés par les municipalités vont très bientôt trouver dans leurs petits souliers un décret signé Michèle Alliot-Marie. En cadeau, le texte leur donne désormais le droit de porter à la ceinture le pistolet à impulsions électriques, un « joujou » hi-tech plus connu sous le nom de Taser. Le porte-parole de MAM, Gérard Gachet, nous a confirmé hier que le décret était actuellement sur le bureau du Premier ministre pour validation, avant d’être soumis au Conseil d’Etat mi-juin, puis « mis en œuvre début juillet ».

Jusque-là, cette « arme non létale » (non mortelle) était réservée à la police nationale et aux gendarmes, qui disposent respectivement de 1.955 et 1.500 exemplaires. La décision de MAM va également faire la joie de la société SMP-Technologies, distributeur exclusif du Taser pour la France, qui a décroché en 2006 le marché police-gendarmerie pour près de 7,5 millions d’euros.


Interpellée par la sénatrice Nicole Borvo (PC) sur l’opportunité d’une telle extension, MAM vient de répondre que « le plan de dotation ne vise en aucun cas à banaliser l’emploi de ce nouvel équipement ».
Une prudente réserve qui reprend mot pour mot la déclaration de Nicolas Sarkozy, alors premier flic de France, en décembre 2006.


Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. [Sénat - 21/05/2008][ndl]
"Je note qu'une telle décision irait à l'encontre même de la déclaration du précédent ministre de l'intérieur, actuel Président de la République, qui s'était prononcé contre la banalisation de l'emploi de cette arme. C'est la raison pour laquelle je regrette d'être obligée d'interroger le Gouvernement aujourd'hui. [...] Selon la réponse officielle de la France au comité européen pour la prévention de la torture, 83 % des usages du Taser X26 par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l'état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes. "



En clair, le Taser ne doit pas être utilisé à tout-va et par n’importe qui, mais on lui ouvre le marché potentiel de milliers de policiers municipaux. Toutefois, selon Gérard Gachet, le décret instaure une série de garde-fous. Ainsi, les agents municipaux ne pourront l’utiliser qu’au terme d’une formation spécifique et continue. Une municipalité devra encore solliciter un avis, obligatoire, du préfet avant de fournir des Taser à ses forces de l’ordre.


La décision de MAM ne va pas manquer, à coup sûr, de faire des étincelles.

Ainsi, Fabrice Ferrier, président de l’association Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme, pourfendeur du Taser, se dit « stupéfait » que cette arme soit accordée aux polices municipales. Il rappelle une recommandation du Comité contre la torture de l’ONU, concernant l’utilisation du Taser par la police portugaise, et qui s’inquiétait « de ce que l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, peut même causer la mort ». Pas de panique, on n’en est pas encore au rétablissement à la gégène. Quant aux décès allégués, ils font référence aux cas de 150 personnes qui ont succombé après avoir été victimes d’une décharge de Taser aux Etats-Unis et au Canada. Mais, précise le ministère, le Taser utilisé en France, modèle X26, est différent de celui en circulation outre-Atlantique et « quatre fois moins puissant ».


Reste que l’arme, peut-être non mortelle, n’a rien d’anodin. Et on peut s’attendre à un franc succès auprès de certaines municipalités. En 2005, le maire d’Emerainville, en Seine-et-Marne, s’était allègrement dispensé d’une autorisation légale pour en équiper ses troupes. L’initiative façon shérif lui avait valu les foudres du préfet qui lui écrivait alors : « Je vous invite à restituer au plus vite ces armes et j’attire votre attention sur certains risques de dangers liés à l’utilisation de cette arme et sur le caractère non approprié de l’utilisation de telles armes dans des missions de surveillance des voies et des lieux publics. » Visiblement, le ministère ne partage pas les préventions de cet empêcheur d’électrocuter en rond.



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