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Népotisme ? Oscar Besson, rejeton du ministre, prend du service à l’Immigration
HNS-INFO
mis en ligne jeudi 29 octobre 2009 par jesusparis
Le ministre des Expulsions et de l’indignité nationale commence bien. Au moment où Eric Besson lance son « grand débat sur l’identité nationale », son ministère fait paraître au JO l’acte de naissance d’OSCAR… Le père va très bien, merci. Mais pas de confusion : Oscar est un nouveau fichier informatique. On croyait pourtant que le recours aux prénoms pour désigner des traitement de données nominatives était révolu, après les ravages provoqués par les sorties d’EDVIGE, d’ARIANE ou de CRISTINA notamment.
Et bien pas du tout : comme le révèle le quotidien en ligne PCInpact, OSCAR désigne un « Outil de statistique et de contrôle de l’aide au retour » des étrangers « invités » à quitter le territoire.
Oscar est le frère naturel du sinistre fichier ELOI (pour “éloignement”, mot novlangue pour “expulsion”), entré en vigueur fin 2007, qui prévoit toujours d’identifier, outre les refoulés, des personnes qui ont la fâcheuse idée de les aider ou de les héberger. Le fichier Oscar était prévu dans la même loi qui a voté le fameux “amendement ADN” sur le regroupement familial, sans faire autant de bruit [1]. C’est aussi le dernier d’une longue liste : il y a Eloi, DN@, Visabio, mais aussi “Gregoire”, qui touche tout étranger ayant eu affaire à une préfecture. [2]
Il faut dire que les personnes déracinées par la faim ou la guerre civile sont habituées à servir de cobayes technologiques dans l’Union européenne. Ils ont été les premiers concernés par le fichage biométrique de leurs empreintes lors de demandes de visa ou d’asile, sans parler des fichiers Schengen, etc. Mais mettre au monde cet Oscar en plein “débat” (lire ici ce que ce mot sous-entend) sur l’« identité nationale », et quelques jours après l’épisode Edvige 3, cela ressemble, comment dire… à un énorme doigt d’honneur (il a l’air d’aimer ça, Eric Besson…).
L’aide au retour, vous connaissez. C’est l’enveloppe sonnante et trébuchante que les agents de l’immigration (l’OFII, Office « immigration et intégration », successeur de l’Anaem, « accueil des étrangers et des migrations ») refilent à des migrants sans papiers pour qu’ils se réinstallent « chez eux » — de quoi, au passage, permettre à Eric Besson de toucher ses bonus sur objectifs. Une “aide” qui a ses limites, puisqu’elle peut aussi être allouée à des ressortissants de l’Union (roumains et bulgares), qui reviennent aussi facilement en France peu de temps après. Oscar va donc veiller à ce qu’une même personne ne touche pas deux fois l’obole généreuse de la République française.
A propos de l’aide au retour, citons le témoignage de l’association Romeurope, tiré d’un rapport de mission du GISTI en Roumanie, en mai 2008 :
« … si le système [d’aide au retour] géré par l’Anaem avait pour objectif de diminuer le nombre de personnes présentes en France, il est un échec. Ainsi des familles très pauvres en Roumanie ont eu connaissance de cette opportunité et arrivent en France pour bénéficier de la prime de l’ANAEM, qui représente pour elles un pactole. Certaines personnes n’hésitent pas à quitter leur emploi et interrompre la scolarisation des enfants. Qu’on ne se méprenne pas : les Roms n’abusent pas du système, c’est bien le système qui abuse les Roms, en les utilisant pour augmenter les chiffres des expulsions, au mépris de l’errance ainsi générée et de ses conséquences sur la vie de ces familles ».
Le décret du 26 octobre signé Fillon et Besson [3] a donc pour mission de « liquider l’aide au retour en permettant de déceler une nouvelle demande présentée par une personne ayant déjà bénéficié de cette aide, le cas échéant sous une autre identité ; [et de] permettre le suivi administratif, budgétaire et comptable des procédures d’aide au retour ».
Pour les besoins de la cause, seront fichés, outre 22 éléments d’identification, dont la photo d’identité : « Les images numérisées des empreintes des dix doigts du bénéficiaire et de ses enfants mineurs âgés d’au moins douze ans, ou la mention de l’impossibilité de collecte totale ou partielle de ces empreintes ». Le second élément fait sans doute référence au fait que certains migrants, notamment au tour de la “jungle” de Calais, se mutilent délibérément afin d’éviter que leurs mains les trahissent, comme l’a rappelé une note du blog du Monde diplomatique [4].
On est en droit de connaître, à présent, l’avis de la CNIL sur Oscar. Car elle a donné son avis, la CNIL, même si elle n’a pas encore eu le loisir de le publier sur son site internet [5]. Pour éviter de nous répéter [6] citons les réserves soulevées par Marc Rees, de PCInpact :
* Vis-à-vis des mineurs, la Commission Informatique et Libertés n’aura pas plus de critiques particulières ; « la dispense de collecte de ces éléments pour les enfants âgés de moins de douze ans est conforme aux évolutions du droit communautaire en la matière ».
* De même, elle prend acte de l’absence de dispositif de reconnaissance faciale ou que les données soient conservées pendant cinq ans. « Cette durée de conservation est adéquate, eu égard à l’échelonnement des versements, d’une part, et à la finalité de prévention des fraudes, d’autre part ».
* La Commission a cependant exigé que les données relatives aux étrangers dont la demande a été refusée ou qui ont renoncé au bénéfice de l’aide devraient être effacées sans délai.
* La Commission « prend acte de ce que les données enregistrées dans le traitement Oscar ne seront pas accessibles aux agents chargés des missions de prévention et de répression des actes de terrorisme. Elle relève qu’en l’état, aucune disposition législative ne permet à ces agents d’accéder aux données du traitement projeté. »
Nous voilà donc rassurés. Surtout que le décret précise qu’Oscar n’est pas doté de « dispositif d’identification nominative à partir des empreintes ni de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie » !
Le meilleur pour la fin : « La CNIL valide OSCAR, sans examiner le matériel d’acquisition biométrique », relève enfin PCInpact. « Pour la CNIL, Oscar ne prête pas à critique [car il] ne permettra pas d’identifier directement les étrangers concernés à partir de leurs données biométriques (« celles-ci sont enregistrées dans un module distinct de celui qui contient (…) notamment l’état civil des personnes ». Elle est donc « satisfaite de la protection cryptographique garantissant la séparation des données biométriques des autres données à caractère personnel ». Manque de bol : « le matériel d’acquisition biométrique n’est pas encore choisi » (sic). Elle a donc validé un procédé sans avoir pu l’évaluer techniquement. Du grand art !
http://www.hns-info.net/spip.php?article20037
Notes
[1] cf cette autre analyse faite au nom du GISTI
[2] voir la rubrique du site de la LDH de Toulon sur la question : éloquent.
[3] dispo ici sur Legifrance
[4] lire Les doigts brûlés de Calais, 26/09/09
[5] dispo aussi sur Legigrance
[6] cf les suites de l’affaire Edvige
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