Ce que les juges reprochent au Front national
Les juges ont bouclé leur enquête sur un possible système frauduleux permettant de siphonner de l'argent public pour le compte du FN.
SOURCE AFP
Publié le | Le Point
Riwal, la société qui fournit au parti son matériel de campagne, aurait surfacturé ses prestations. Une accusation niée par le Front national. © AFP/ JEFF P
Les juges d'instruction ont terminé mercredi leurs investigations dans l'enquête sur des soupçons de surfacturations dans les campagnes électorales de 2012 du Front national, qui fait peser sur le parti d'extrême droite la menace d'un renvoi en procès avant la présidentielle de 2017. La présidente du parti, Marine Le Pen, entendue le 5 janvier, n'a pas été mise en examen mais a été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté, tout comme le maire d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois, interrogé mercredi juste avant la clôture de l'enquête.
La fin des investigations ouvre un délai permettant aux parties de demander de nouveaux actes d'enquête, avant que le parquet de Paris ne prenne ses réquisitions, puis que les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi décident ou non d'un renvoi en procès. Les prochaines étapes peuvent prendre des mois. Mais le FN, mis en examen comme deux de ses vice-présidents, Jean-François Jalkh et son trésorier Wallerand de Saint-Just, va vivre sous la menace d'un renvoi en correctionnelle avant la prochaine présidentielle, sauf en cas de non-lieu général.
Prestataire et micro-parti
Partie d'un signalement de l'autorité de contrôle des comptes des partis (CNCCFP), l'enquête a révélé un possible système frauduleux destiné à capter de l'argent public lors des législatives et de la présidentielle de 2012, avec plusieurs millions d'euros en jeu. Le FN dénonce au contraire un dossier vide, instruit à charge sur ordre du pouvoir politique.
Au coeur de l'enquête, le principal prestataire du FN pour sa propagande, la société Riwal, gérée par Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et ex-leader du GUD, le syndicat étudiant d'extrême droite. En cause, pour les législatives, des kits de campagne (tracts, affiches, cartes postales) à 16 650 euros, fournis par Riwal à 525 candidats frontistes, via des prêts consentis par un microparti satellite du FN, Jeanne. Les enquêteurs soupçonnent derrière ce montage complexe des prestations gonflées et surfacturées au détriment de l'État, qui rembourse les frais de campagne aux candidats dépassant 5 % des voix. Le parti conteste toute surfacturation.
Autre sujet d'investigation, les intérêts d'emprunt facturés par Jeanne aux candidats, à 6,5 %, soit environ 1 000 euros par kit, et remboursés partiellement par l'État. Les enquêteurs s'interrogent sur la réalité de ces prêts, Riwal ayant avancé les frais à Jeanne, via un crédit sans intérêts de plus de huit millions d'euros en 2012. La présidentielle de 2012 est aussi concernée. Les juges soupçonnent Riwal d'avoir facturé à environ 2,5 millions d'euros le matériel de propagande officielle alors qu'il lui en aurait coûté entre 600 000 et 700 000 euros, selon une source proche de l'enquête.
Une erreur de réécriture de la loi
Dix mises en examen ont été prononcées, notamment pour escroquerie, abus de biens sociaux, recel et complicité. Parmi les personnes visées, Frédéric Chatillon et l'élu frontiste Axel Loustau, qui était à la fois actionnaire de Riwal et trésorier de Jeanne en 2012. Le FN est mis en examen en tant que personne morale pour complicité d'escroquerie et recel d'abus de biens sociaux. Jeanne et Riwal sont aussi mis en examen.
Les juges soupçonnent que les fonds empochés par Riwal ont financé le parti. Ils visent la mise à disposition gratuite de locaux ou d'employés, l'achat de matériel, la prise en charge d'une facture de plus de 400 000 euros ou des facilités de paiement, comme le crédit d'intérêts à Jeanne. Mais durant l'enquête, les juges s'étaient heurtés à une faille législative : le délit d'acceptation par un parti d'un financement d'une entreprise n'était plus puni à la suite d'une erreur de réécriture de la loi. Dans la foulée, le parquet de Paris avait demandé dans un réquisitoire supplétif des mises en examen pour recel d'abus de biens sociaux. Un acte contesté devant la cour d'appel par le FN, qui espère faire tomber une partie de la procédure
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