29/06/2007

Fichage des élèves de primaire

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Le fichier des écoles primaires suscite des inquiétudes avant sa généralisation à la rentrée
LEMONDE.FR | 27.06.07 | 12h12 • Mis à jour le 27.06.07 | 13h37

Une centaine de directeurs d'écoles d'Ille-et-Vilaine risquent de perdre leur titre en septembre 2007. Motif : ils refusent, par crainte d'atteinte aux libertés individuelles, de remplir un fichier informatique, "base élèves 1er degré" (BE1D), censé suivre le parcours scolaire d'un enfant de la maternelle au CM2. Testé depuis deux ans, il doit être généralisé partout en France à la rentrée.
"Cela fait partie des missions d'un directeur de renseigner ce fichier, explique Jean-Charles Huchet, l'inspecteur académique d'Ille-et-Villaine. Ceux qui refusent risquent donc de perdre leur titre à la rentrée. Mais nous continuons à discuter avec eux pour les convaincre qu'il n'y a aucun risque."
Testé depuis deux ans dans certains départements pilotes, ce fichier est en voie de généralisation "avec comme objectif d'être opérationnel dans les 55 000 écoles de France à la rentrée de septembre 2009", selon Gilles Fournier, chef du service "systèmes d'information" du ministère de l'éducation nationale.
ENTRÉES SENSIBLES

Les opposants s'inquiètent de la présence, dans BE1D, d'entrées sensibles, comme la nationalité de l'enfant (mention obligatoire), la date d'arrivée en France des parents, la culture d'origine ou la langue parlée à la maison (mentions pour l'instant facultatives). Déjà, fin 2006, le Syndicat national des instituteurs et professeurs d'école (SNUipp), affilié à la FSU, appelait à retirer ces champs litigieux et invitait plus généralement les directeurs à ne pas "entrer dans l'expérimentation" de BE1D.
D'autres données, certes utiles pour mieux prévoir les effectifs et répartir les aides aux élèves en difficulté (suivi "Rased" pour Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté ), peuvent aussi renseigner sur l'état de précarité ou de fragilité de toute la famille. La Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) déconseille à ses adhérents d'entrer ces informations dans le fichier. Car si leur effacement est prévu en fin d'année scolaire, "certaines familles en situation de fragilité n'oseront probablement pas vérifier que les données concernant leur enfant sont bien effacées", notait la FCPE le 18 mai dernier, en réponse à une lettre du ministère censée apaiser ses craintes.
"Il faut sortir de l'hypocrisie, reprend Jean-Charles Huchet. Les fichiers de la Sécurité sociale ou des Allocations familiales contiennent plus d'informations sur les enfants que Base élèves n'en aura jamais. Même moi en tant que responsable académique, je n'ai pas accès à tout."
"Le risque d'une interconnexion de Base élèves avec d'autres fichiers est réel, même si on nous affirme que c'est interdit aujourd'hui", indique François Nadiras, professeur à la retraite, membre de la section de Toulon de la Ligue des droits de l'homme, dont le site Internet regorge de ressources sur ce sujet.
DYSFONCTIONNEMENT

Par ailleurs, comme l'a révélé, le 11 juin, le Collectif rennais de résistance sociale (Correso), comprenant syndicats et travailleurs sociaux d'Ille-et-Vilaine, la sécurisation des accès à BE1D (protégés logiquement par identifiant et mot de passe) vient d'être mise à mal. Un dysfonctionnement qui a été confirmé dans une note du 15 juin signée du secrétaire général du ministère à Paris et envoyée à toutes les inspections académiques.
Une autre inquiétude réside dans la manière dont les maires (chargés du contrôle de l'obligation scolaire et de la gestion des inscriptions) pourront accéder à BE1D. Surtout depuis les nouveaux pouvoirs que leur confère la loi de prévention de la délinquance du 6 mars 2007. Pour l'instant, les communes accèdent à l'état civil et aux données périscolaires (cantine, garderies, etc.), mais pas à la nationalité ni aux aux éléments du suivi Rased, assure Gilles Fournier, du ministère. Une précision qu'a tenu à rappeler à son tour la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans une note du 22 juin.
Jérôme Thorel

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