30/07/2007

La privatisation des retraites ça donne ça aux USA

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Eco-Terre/LIBERATION
L’automobile américaine plombée par ses retraités
Aux abois, les trois grands constructeurs renégocient leur système d’assurance santé.
Par Thomas Dévry
QUOTIDIEN : lundi 30 juillet 2007

Il n’y a rien de plus triste qu’un match de boxe entre des gloires vieillissantes qui peinent à tenir sur leurs jambes. Le premier round d’une telle affiche s’est pourtant ouvert la semaine dernière à Detroit, entre les trois constructeurs automobiles américains (General Motors, Ford et Chrysler) et l’United Auto Workers (UAW), d’une part, et le syndicat qui représente leurs ouvriers. Comme tous les quatre ans, l’enjeu de cette rencontre est de renégocier le contrat qui lie les deux poids lourds et détermine l’ensemble des salaires et bénéfices sociaux. Mais, cette année, les deux parties sont faiblardes.

Malgré un dernier trimestre positif pour Ford, les «Big Three» ont perdu 30 milliards de dollars (22 milliards d’euros) en deux ans, et leur part de marché, grignotée inexorablement par les constructeurs japonais, est passée pour la première fois sous la barre des 60 % aux Etats-Unis. Quant à l’UAW, les restructurations à répétition depuis des années l’ont laissé exsangue : à peine plus de 500 000 membres actifs contre 1,5 million à son apogée en 1979.
Historique. Si les causes du déclin de l’industrie automobile américaine sont en partie imputables aux erreurs stratégiques d’un management qui n’a pas su anticiper les évolutions du marché, les négociations vont porter sur un sujet quasi unique : comment gérer les remboursements de santé des retraités, qui plombent les comptes des géants de Detroit. Ces dépenses, supportées directement par les trois entreprises, se montent collectivement à 12 milliards de dollars par an (8,8 milliards d’euros), représentant un surcoût de 1 000 dollars (733 euros) par voiture produite. Cette situation est le résultat d’un compromis historique propre aux Etats-Unis. Quand, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le président de l’UAW, Walter Reuther, milite pour un système d’assurance santé nationale garantie par l’Etat et bénéficiant à tous les Américains, les dirigeants de Detroit s’y opposent. Ces derniers préfèrent prendre eux-mêmes en charge les dépenses de santé des ouvriers et de leurs familles. L’UAW s’y résout et choisit ensuite de se battre pour l’amélioration régulière de ces avantages sociaux. Tant que le nombre d’actifs est supérieur au nombre de retraités et tant que les grosses américaines s’écoulent comme des petits pains, le système fonctionne. Mais, maintenant que le nombre d’inactifs de l’UAW (600 000) est supérieur aux ouvriers devant leurs machines et que la concurrence japonaise, qui ne supporte pas ce genre de coûts, envahit le marché, ce choix historique se révèle insupportable.
Perdants. Aujourd’hui, l’actuel président de l’UAW, Ron Gettelfinger, défend ses adhérents au nom d’un principe simple, «ce qui a été promis pendant des générations est dû». En face de lui, les constructeurs expliquent qu’ils seront obligés de mettre la clef sous la porte si le régime actuel de couverture santé est maintenu, et que tout le monde sera perdant si un compromis n’est pas trouvé. Celui-ci pourrait prendre deux formes : une diminution des salaires et de certains avantages sociaux pour les nouveaux employés et une partie des anciens, ou alors un fonds de pension géré par l’UAW, qui serait chargé de la couverture santé. Ce fonds, ainsi «externalisé», ne pèserait plus sur les comptes des Big Three. Mais ce sont néanmoins eux qui devront l’abonder au démarrage, à hauteur de plus de 60 milliards de dollars (44 milliards d’euros). Une somme dont les constructeurs ne disposent pas aujourd’hui. Autrement dit, pour que Detroit survive, il n’y aura probablement que des perdants à l’issue des négociations.

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