Pernod-Ricard accusé de deal avec les cartels de la cocaïne
Multinationale. Le fabricant d’anisette assigné en justice par la Colombie.
Par Michel Taille
QUOTIDIEN : lundi 30 juillet 2007
Les multinationales de l’alcool ont-elles travaillé avec les cartels de la drogue en Colombie ? C’est ce que va devoir trancher un tribunal de New York, où un juge vient de déclarer recevable une plainte de la Colombie contre le Français Pernod-Ricard et son rival britannique Diageo (propriétaire de Johnnie Walker et Smirnoff, entre autres marques). Tous deux sont accusés d’avoir organisé la contrebande de leurs produits grâce au blanchiment des revenus de la cocaïne. C’est une première victoire pour l’Etat colombien et plusieurs départements du pays sud-américain, qui ont entamé la procédure fin 2004.
Aguardiente . Depuis des années, ces administrations régionales, qui financent en partie leurs écoles et hôpitaux grâce à un monopole sur la fabrication d’alcools locaux, s’inquiétaient de voir leurs concitoyens, même modestes, préférer les whiskys ou brandys d’importation à l’économique aguardiente du cru. Les multinationales auraient développé la consommation locale de leurs produits, vendus à très bon prix car introduits en fraude grâce à des narco-blanchisseries offshore. Un système qui a déjà été utilisé, sur plusieurs continents, par les multinationales du tabac. En Colombie, c’est Philip Morris qui a instauré le procédé : dans les années 1990, un sénateur ripoux, Samuel Santander Lopesierra, s’était gagné le surnom de «cow-boy Marlboro» en inondant le marché de cigarettes blondes «tombées du camion». Le carrousel de blanchiment qu’il a organisé aurait, selon Bogotá, profité aux majors de l’alcool.
Le négoce consiste en un coup à trois bandes. Dans une première phase, le résultat de la vente de cocaïne dans les rues de Washington ou Boston était placé sur les comptes de prête-noms aux Etats-Unis. Ensuite, les trafiquants faisaient virer ces dollars à des acheteurs colombiens, en échange de pesos disponibles sur leur terre d’origine. Alléchés par une généreuse commission, les acquéreurs des billets verts, comme Santander Lopesierra, encaissaient les sommes en toute discrétion, à travers des sociétés écran de Panama ou d’Aruba.
Blanchiment. Enfin, avec ces fonds presque blanchis, les entreprises offshore achetaient aux multinationales du whisky Ballantine’s, du brandy Domecq ou du gin Gordon’s. pour les faire entrer en contrebande sur le sol colombien. Pernod comme Diageo «étaient parfaitement au courant de ce qui se passait», accuse Bogotá. Les deux entreprises auraient «à tout moment contrôlé» le négoce de blanchiment, et participé directement à la création du «réseau de compagnies, à Panama et Aruba, destiné à camoufler l’origine criminelle des fonds».
L’arrestation de Santander Lopesierra, en 2002, n’a pas empêché les deux géants de continuer à commercer avec ses entreprises. Ils pouvaient même se permettre, affirment les plaignants, de facturer leurs marchandises aux sociétés écrans à un prix plus élevé qu’aux grossistes légaux : la différence était indolore pour les contrebandiers, qui payaient grâce aux dollars bradés par les narcos. Depuis 2004, Pernod-Ricard n’a pas changé de position et continue à «nie r catégoriquement» les accusations. Jusqu’ici, l’entreprise a surtout tenté avec Diageo d’obtenir le rejet de la plainte pour vice de forme, voire de faire déplacer le cas devant la justice colombienne - beaucoup plus lente, engorgée et sujette à corruption. Mais depuis le refus du juge new-yorkais, le groupe répète que «la plainte n’est pas fondée».
1 commentaire:
Vieilles habitudes :
en 1972, le quotidien new yorkais "Newsday" publie une série d’articles intitulés "The heroin trails".
Une équipe de journalistes a commencé son enquête au Canada sur les agissements dans les années 60 de Jean Venturi, représentant local de la firme Ricard, dont le supérieur hiérarchique direct avait été à l’époque Charles Pasqua, directeur des ventes à l’export.
Après avoir obtenu confirmation auprès des services de police compétents du document du bureau américain des narcotiques incriminant Jean Venturi dans un trafic d’héroïne à destination des Etats-Unis, les journalistes new yorkais arrivent à Paris pour remonter cette ramification de la célèbre "french connection".
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