03/10/2007

Irrespectueux, violant le droit, malsain...le test ADN vu d'Afrique

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DAKAR (AFP) - Le projet de loi français introduisant des tests ADN pour les candidats étrangers au regroupement familial a suscité une série de réprobations en Afrique francophone, où beaucoup considèrent qu'il pose des problèmes à la fois pratiques et moraux.
Immigration: levée de boucliers en Afrique contre les tests ADN

AFP - il y a 1 heure 21 minutes

Le président de la Commission de l'Union Africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a sévèrement accueilli ce texte mardi, le jugeant "inconcevable" et "inacceptable au niveau éthique, moral et culturel" pour l'Afrique, qui constitue le principal pourvoyeur d'émigrants vers la France.

M. Konaré, ancien président (1992-2002) du Mali, important pays d'émigration, a souligné que ces tests "ne sont pas du tout conformes à notre conception de la famille, de la société".

"En Afrique, les relations familiales sont complexes et intimes, très différentes de celles (existant) dans les pays occidentaux (...)", a-t-il encore expliqué, fustigeant "ceux qui prennent ces décisions (...) et ne voient pas les conséquences sur les autres".

Son compatriote Mamadou Samaké, sociologue, a estimé mercredi que "cette affaire d'ADN n'est pas saine".

"Imaginez que dans nos pays où la polygamie existe, on se mette à faire des tests ADN. Ce serait la catastrophe. Des familles seraient brisées. Ensuite, l'ADN dans les cas d'adoption d'enfants (fréquents en Afrique) ne servirait à rien", relève-t-il.

Le président sénégalais Abdoulaye Wade, premier chef d'Etat étranger à avoir pris officiellement position sur le sujet, s'était déclaré lundi fermement opposé à cette mesure contenue dans le projet de loi sur l'immigration qui était examiné mercredi par les sénateurs français.

"Ce n'est pas respecter la liberté de l'Homme que de vouloir faire des pratiques pareilles", avait jugé M. Wade lors d'une conférence de presse, qualifiant le projet de loi de "grave erreur".

Pour le secrétaire général du Mouvement burkinabè des droits de l'Homme et des peuples, Chrysogone Zougmoré, le projet de loi est "insensé" car il "viole les droits de la famille".

"On ne peut pas parler d'une telle loi à l'ère où l'on parle de la mondialisation, d'ouverture et d'échanges entre les peuples", assure-t-il.

Amina Bouayach, présidente de l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH, indépendante) estime pour sa part que cette loi pourrait "déclencher tout un processus de lois et de mécanismes concernant d'autres sujets comme l'adoption, les droits des enfants ou la libre circulation des personnes". Or, dit-elle, "les liens familiaux ne peuvent être limités à des liens de sang".

Le quotidien Aujourd'hui Le Maroc a qualifié mercredi ces tests de "porte-malheur pour (le président français) Nicolas Sarkozy", rappelant les nombreuses oppositions à l'étranger comme en France.

En Algérie, pays qui n'est pas concerné par ces tests, le journal l'Expression a évoqué "l'absurdité" de la politique d'immigration en France, qui va "jusqu'à demander des tests ADN aux simples demandeurs de visas touristiques (pour les pays du tiers-monde bien sûr) et instaurant des quotas annuels d'expulsions".

Le quotidien relève cependant qu'"il n'y a pas que la France qui pense ainsi" en Europe, où onze pays ont déjà adopté ce type de dispositif.

Dans un message adressé mercredi au président Wade, le ministre français de l'Immigration Brice Hortefeux a tenu à l'assurer de son intention de "gommer les effets négatifs de la loi".

Le ministre s'est rallié mardi à un amendement qui prévoit "un régime d'autorisation du test ADN par l'autorité judiciaire" et une recherche de filiation avec la seule mère plutôt qu'avec le père.

Le 26 septembre, la commission des Lois du Sénat français avait supprimé l'article introduisant des tests ADN du projet de loi sur l'immigration voté par les députés le 20 septembre. Cette décision doit toutefois être confirmée par un vote des sénateurs.



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