«Les Antillais nous montrent la voie pour les salaires et pour l’emploi!» «C’est fini la colonisation!» «Antilles et métropole, yes we can!» «A bas la grande distribution!»
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Il est 18 heures place de Clichy, à Paris (XVIIIe) et c’est le grand soir de la gauche de la gauche. La manifestation de soutien aux Guadeloupéens – ils sont en grève générale depuis le 20 janvier – et aux Martiniquais se met en marche. Les slogans commencent à fuser. Le cortège, lui, gonfle à toute vitesse. Dans une heure, il comptera plusieurs milliers de personnes.
«Enfin, il y a une manif pour les Antillais, se félicite Alain Krivine, du tout nouveau Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Elle n’a pas été facile à organiser, il y a eu beaucoup d’hésitations à gauche. Mais là, c’est fait, l’unité est réalisée», se félicite le trotskyste. Qui n’a pas besoin de regarder dans sa boule de cristal pour déclarer: «On est à la veille d’événements graves. La répression a commencé…»
A quelques mètres, Clémentine Autain, membre de la Fédération pour une alternative sociale et écologique, marche sur le trottoir avec son jeune fils, assis dans une poussette. Elle s’arrête un instant: «Cette manif de soutien est on ne peut plus normale. Il se passe des événements fondamentaux là-bas. Et le gouvernement s’en moque. Sarkozy a parlé quatre-vingt dix minutes en réussissant à faire l’impasse sur cette question. Cette attitude de mépris a vraiment des relents de colonialisme», déclare calmement la jeune femme. «Et ce qui se passe là-bas n’est pas sans lien avec ce qui se passe ici. C’est important qu’on leur renvoie un écho.»
«Nul ne peut accepter une société à deux vitesses»
Le long ruban se déroule, direction Saint-Lazare. En tête, les dirigeants des principales formations politiques et syndicales de la gauche de la gauche. Au côté d’Arlette Laguiller (LO), se tiennent Olivier Besancenot (NPA), Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche)… et Patrick Lozès, président du Cran (Conseil représentatif des associations noires). «Cette importante mobilisation est essentielle, dit Lozès. Il faut être nombreux pour dire que nul ne peut accepter une société à deux vitesses.»
Lui aussi ne décolère pas contre Sarkozy et ses troupes. «Il a fallu vingt-quatre jours au Président pour se rendre compte de la mobilisation et pour que les Guadeloupéens soient considérés comme des Français à part entière.» Et le représentant associatif d’énumérer: «En Guadeloupe, 1% de la population possède 52% des terres agricoles et 90% des richesses industrielles. C’est inacceptable!»
Dans quelques minutes, à l’arrivée à Saint-Lazare, Arlette Laguiller ne dira pas autre chose. «Les responsables des prix sont identifiables. En Guadeloupe, il y a une douzaine de familles qui rackettent la population avec l’accord du gouvernement. Ces békés (Guadeloupéens blancs, ndlr) ont des amitiés au plus haut niveau de l’Etat français.» Et la chef de file LO de métaphorer: «C’est le prix du carburant qui a allumé l’incendie social. Rien d’étonnant, c’est Total, via une filiale, qui contrôle totalement la distribution de l’essence en Guadeloupe.» La trotskyste n’a qu’un souhait: «Que la lutte se propage à l’ensemble de la classe ouvrière.»
«Les békés sont les mêmes là-bas et ici»
Il est 18h40. La tête du cortège approche de Saint-Lazare. Philippe, 57 ans, retraité, est présent pour marquer sa «solidarité avec ce qui se passe dans les Dom-Tom, pour donner du poids à ce qui se passe là-bas, aider à faire bouger les choses… Là, c’est le statu quo.» Marcia Maria, 59 ans, est chanteuse de jazz brésilien. Et «française de coeur et de nationalité». Elle aussi manifeste pour ses «voisins», ses «frères», parce que «l’union fait la force». Elle dit: «Le monde entier doit se mobiliser pour changer.»
A 19 heures, la tête de la manifestation stationne face à la gare Saint-Lazare. Les leaders politiques prennent tout à tour le micro. «Halte aux pratiques colonialistes! déclare Olivier Besancenot. La répression est une raison supplémentaire de se mobiliser. Le peuple de Guadeloupe nous a montré la voie à ce que pourrait être une grève générale ici pour imposer la répartition des richesses dont on a besoin.» «Les békés sont les mêmes là-bas et ici», renchérit Jean-Luc Mélenchon. Vive la lutte, vive la solidarité! Ce gouvernement ne connaît que la répression.»
A quelques mètres, deux jeunes Antillais brandissent une pancarte en carton: «40 arrestations, 2 blessés grave.» Il est 20 heures. Le cortège s’est dispersé dans Paris. Sans incidents. Restent quelques manifestants qui ne se résignent pas à quitter les lieux et des CRS qui les surveillent à distance. Le grand soir s’est couché.
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