19/11/2010

Karachi : Les familles de victimes insistent pour que le chef de l'État soit entendu par la justice

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Mathieu Foulkes
Agence France-Presse
Paris

Le président français Nicolas Sarkozy est sous pression pour s'expliquer sur des soupçons de corruption et de financement politique en marge de la vente de sous-marins au Pakistan qui pourraient avoir indirectement provoqué un attentat anti-français à Karachi en 2002.
Les familles de victimes de cet attentat, qui avait fait 14 morts dont 11 Français, ont insisté jeudi pour que le chef de l'État soit entendu par la justice dans ce dossier.




«M. Sarkozy nous doit cette audition; qu'il dise ce qu'il a à dire, lui qui a qualifié de 'fable' cette piste financière» (en 2009), a déclaré la fille d'une victime, Sandrine Leclerc, lors d'une conférence de presse.

L'opposition de gauche a déjà sommé le président d'«apporter toutes les explications utiles quant au rôle qu'il a pu jouer dans cette affaire» et demandé la déclassification de documents «secret-défense».

L'enquête sur cet attentat, perpétré à Karachi (sud du Pakistan) le 8 mai 2002 contre la Direction des constructions navales (DCN), a longtemps été focalisée sur une responsabilité d'Al-Qaeda.

Mais depuis plus d'un an, elle s'est réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt du versements de commissions promises par la France dans le cadre du contrat sur la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan signé en 1994 pour environ 850 millions d'euros.

Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient dans ce type de contrats versées aux intermédiaires facilitant leur signature. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée sur la commission au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.

En l'occurence, les commissions françaises auraient été distribuées au Pakistan par l'actuel chef de l'État Asif Ali Zardari, alors ministre dans un gouvernement dirigé par sa femme Benazir Bhutto (tuée dans un attentat fin 2007).

Les rétrocommissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne présidentielle en 1994 du premier ministre français d'alors Edouard Balladur, dont le porte-parole était Nicolas Sarkozy, selon des témoignages et des rapports versés au dossier.

Dès son élection à la présidence du pays en 1995, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions, asséchant d'éventuelles rentrées d'argent, via des rétrocommissions, au profit de son ennemi juré - qui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.

Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l'affaire a pris un nouveau tour après la confirmation de l'existence de telles rétrocommissions par l'ancien ministre de la Défense Charles Millon (mai 1995 à juin 1997), révélée mercredi à l'AFP par une source proche du dossier.

L'ancien ministre a déclaré lundi au juge Renaud van Ruymbeke que des vérifications menées en 1995 par les services secrets après l'élection de Jacques Chirac avaient établi l'existence de rétrocommissions vers des décideurs français en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite.

«On a eu une intime conviction», a confié au juge M. Millon évoquant des traces de ces rétrocommissions retrouvées en Espagne, en Suisse, à Malte et au Luxembourg.

Depuis, l'opposition et les familles de victimes demandent que la justice auditionne comme témoin M. Sarkozy, Jacques Chirac et son ex-premier ministre Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Élysée à l'époque du contrat. Les avocats des familles de victimes ont déjà déposé une demande au juge pour MM. Chirac et Villepin.

«Je crois que Nicolas Sarkozy, qui est aussi dans cette affaire (...) doit s'expliquer comme l'ensemble des acteurs de cette affaire», a ajouté jeudi le député socialistes Jean-Christophe Cambadélis sur la radio France Info.

«Au sommet de l'État, on craint l'avancée de ce dossier car il implique Nicolas Sarkozy et ses proches», a estimé l'avocat d'une partie des familles Me Olivier Morice.
un article propulsé par TORAPAMAVOA :
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