LEMONDE.FR | 26.01.11 | 18h54 • Mis à jour le 26.01.11 | 18h54
Noyé sous une cascade de scandales et d'affaires touchant ses ministres (Woerth, Proglio, Pérol, Blanc, Joyandet...) Nicolas Sarkozy avait, cet été, appelé trois magistrats à réfléchir à de nouveaux moyens pour lutter contre les conflits d'intérêts. Mercredi 26 janvier, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, et Jean-Claude Magendie, ancien premier président de la cour d'appel de Paris, ont rendu leur rapport au président de la République. Leurs propositions, si elles venaient à être votées, contraindraient de nombreux membres de l'exécutif à changer drastiquement leurs pratiques.
Parmi les huit recommandations présentées par les magistrats, l'une prévoit d'interdire "l'exercice par les membres du gouvernement d'un mandat exécutif local afin d'éviter la confusion des intérêts nationaux et locaux". Cumuler à un poste ministériel un mandat de maire, de président de conseil général, de conseiller régional et même de président de région est pourtant une pratique très largement partagée par la plupart des 31 membres du gouvernement Fillon. Un double, triple voire quadruple cumul... auquel on pourrait ajouter, pour la majorité des ministres et secrétaires d'Etat, un siège de député ou de sénateur qu'ils récupéreront en cas de remaniement ministériel malheureux.
MINISTRE, MAIRE ET PRÉSIDENT
Etre ministre et maire ou président d'une communauté de communes regroupant plusieurs dizaines de milliers d'habitants effraie peu de ministres multitâches de François Fillon. On compte parmi ces édiles à temps partiel Alain Juppé, ministre de la défense et toujours maire de Bordeaux, ville pour laquelle il s'était engagé à se consacrer à 100% (lors de la période de campagne). François Baroin, ministre du budget, demeure maire de Troyes (Aube), Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, est maire de Puy-en-Velay (Haute-Loire), Nathalie Kosciusko-Morizet cumule à son ministère de l'écologie les mandats de maire de Longjumeau (Essonne) et de conseillère régionale.
Xavier Bertrand, ministre du travail , est également maire de Saint-Quentin (Aisne). Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, consacrerait ses récréations à la mairie de Chaumont (Haute-Marne). Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, est toujours maire de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a conservé la mairie de Draveil (Essonne) et la présidence de la communauté de communes de Val-de-Seine (près de 80 000 habitants). Même François Fillon, premier ministre, donné favori au sein de la fédération UMP parisienne pour prendre la Mairie de Paris, s'est gardé un pied-à-terre dans la Sarthe via la communauté de communes de Sablé-sur-Sarthe, dont il est le président.
Comme le premier ministre, les "ministres-maires ruraux" compensent généralement la petite taille de leur commune en conservant, parallèlement à leur maroquin ministériel et leur mairie, une présidence de communauté de communes. Ainsi, Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération, est aussi président de la communauté de communes du Gâtinais et conseiller général de Bourgogne. Michel Mercier, ministre de la justice, aurait également du temps pour sa mairie de Thizy ainsi que pour sa communauté dont il est le président. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement, a multiplié ses possibilités de "réancrage" local. Il cumule les mandats de conseiller régional de Champagne-Ardennes et d'adjoint au maire de Châlons-en-Champagne. En prime, il est vice-président de la Communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne.
Le cumul avec un mandat de conseiller régional est également largement partagé au sein du gouvernement Fillon. Frédérique Lefèbvre, secrétaire d'Etat chargé du commerce, Nadine Morano, ministre chargée de la formation professionnelle, Chantal Jouanno, ministre des sports, Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée de la santé, Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, et Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, sont tous conseillers régionaux.
Christine Lagarde, ministre de l'économie, et Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, sont pour leur part élus au conseil de Paris, où ils ont souvent brillé… par leur absence.
SYNERGIE OU CONFLIT D'INTÉRÊTS
La question du cumul des mandats et conflits d'intérêts locaux et nationaux avait été identifiée par Nicolas Sarkozy lui-même. En août 2009, alors que la majorité présidentielle se préparait pour la bataille des régionales de 2010, le président déclarait que la charge de la gestion d'une région n'était pas compatible avec un ministère : "Si un ministre qui a choisi d'être candidat est élu président de région, il devra se consacrer pleinement à cette fonction de président de région." "C'est une question de respect des électeurs", insistait alors le président de la République.
En novembre 2010, cette profession de foi est oubliée : Philippe Richert, le seul président de région UMP, est nommé ministre sans avoir à démissionner. Interrogé, le 16 novembre , dans les Dernières Nouvelles d'Alsace sur le cumul de ses fonctions, Philippe Richert évoque une "synergie". René Dosière, député apparenté socialiste, parle lui , déjà, de "conflit d'intérêts". "Il est le ministre chargé des collectivités locales, il doit rendre des arbitrages concernant l'ensemble des territoires tout en étant le président de l'un deux, la région Alsace. Une situation inacceptable." Celle-ci perdure malgré les déclarations de bonnes intentions.
La limitation des fonctions et des mandats des politiques, comme elle est suggérée par les magistrats, entraînerait un bouleversement radical des pratiques du personnel politique. Nicolas Sarkozy, qui est déjà revenu sur ses engagements sur la question du cumul des postes et des fonctions, pourra rapidement donner un signal fort concernant ses nouvelles intentions à un an de la présidentielle. En mars se tiendront les élections cantonales, et Maurice Leroy, ministre de la ville et président du conseil général de Loir-et-Cher, ne compte pas passer la main. Le président de la République lui demandera-t-il de choisir ?
Eric Nunès
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