17/01/2011

Pour Noel tu as eu une camera ! tu l'ignorais?

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1 300 caméras de vidéo surveillance dernier cri, venant s’ajouter aux 330 déjà installées sur la voie publique, tel est le somptueux cadeau de Noël offert aux Parisiens et aux visiteurs de la capitale par son maire socialiste Bertrand Delanoë. La Ville Lumière peut dorénavant crânement inscrire à ses portes : « Souriez, vous êtes filmés ! » Grâce à son maire, qui a beaucoup donné de sa personne pour imposer ses caméras liberticides travesties des noms orweliens de « vidéo protection » ou encore de « vidéo tranquillité ». Grâce au Conseil de Paris et à ses élus de gauche et de droite qui, ensemble, votèrent en novembre 2009 (sans les voix des quelques vilains petits canards : les élus des Verts et du PCF/PG) le plan de vidéo surveillance du gouvernement de Nicolas Sarkozy présenté par le préfet de police Michel Gaudin.
Le « plan de vidéoprotection pour Paris » (PVPP), baptisé plus prosaïquement « plan 1 000 caméras » aura été imposé à la hussarde par Bertrand Delanoë et sa majorité municipale en quelques mois (moins de deux ans) à l’aide d’une caricature de « concertation ». Les opposants parisiens au projet de vidéo surveillance de la capitale rassemblés dans un collectif unitaire, le Collectif Démocratie et Libertés (CDL), se sont constamment heurtés à un mur. Ce collectif est composé d’associations de quartier (comme la Commune libre d’Aligre dans le XIIe arrondissement, le Comité Métallos, l’Association Saint-Bernard dans le XIe, l’Association pour l’estampe et l’art populaire dans le XXe, Urbanisme et démocratie dans le XIVe...) d’organisations comme la Ligue des droits de l’Homme, le Mrap, Souriez vous êtes filmé, Attac, la Fondation Copernic ou Act -up, de partis et de syndicats (les Verts, le Parti de Gauche, le NPA, SUD...). Rien ni fit. Ni une pétition de plus de 11 000 signataires, ni les appels à un véritable débat public sur la « sécurité », ni les réticences multiples exprimées par des conseils de quartier, ni les nombreuses réunions publiques, les rassemblements et actions diverses (toujours pacifiques) ne réussirent à ébranler dans sa certitude quasi religieuse un pouvoir municipal arrogant, cassant et méprisant.
Un autisme qui ne s’explique pas seulement par la personnalité autoritaire du maire de la capitale. C’est du parti socialiste qu’il s’agit et de son ralliement au traitement sécuritaire des problèmes sociaux, sous l’égide de Lionel Jospin, lors du fameux colloque de Villepinte en 1997. Un aggiornamento qui n’a pas convaincu tous les militants socialistes, heureusement. Mais force est de constater que nombreux sont les élus du PS qui se sont ralliés depuis en ordre dispersé à la vidéo surveillance, sous le regard goguenard des droites. Et comme tous les nouveaux convertis, ils en font une tonne pour tenter de transcender leur « renégatitude ». Tel Abdelhak Kachouri, vice-président socialiste du conseil régional d’Ile-de-France, qui, pour défendre le maire de Paris, fustige tout en finesse les adversaires du « plan 1 000 caméras » qui « s’opposent à la vidéosurveillance pour des questions idéologiques, mais être contre pour ça, c’est du délire aujourd’hui. Quand vous retirez de l’argent, vous êtes filmés, quand vous prenez de l’essence, vous êtes filmés, quand vous allez sur l’autoroute, vous êtes filmés. On est déjà filmé toute la journée, développer le système de vidéosurveillance n’est pas une atteinte à la vie privée, aux droits à l’image, c’est du pipeau de dire ça. Ceux qui le disent se cachent derrière des grands principes au lieu d’être pragmatiques pour traiter les problèmes ». (interview parue dans Libération du 21 décembre 2010). Et pan sur la tête des « droit-de-l’hommistes » !
Branle bas de combat dans les commissariats
Le Figaro, dans son édition du 20 décembre, nous conte l’entrée dans sa phase active du « plan 1000 caméras » avec « le lancement de travaux d’aménagement dans les 20 commissariats d’arrondissement de la capitale. Depuis quelques jours, écrit Jean-Marc Leclerc, on y passe des câbles, on vide des bureaux pour installer des murs d’écrans où seront projetées les images de nouvelles caméras, dont certaines à vision nocturne. La moitié sera commandable à distance, à l’aide d’un minuscule joystick semblable à celui des consoles de jeu. » Les images pourront être conservées pendant un mois.
Le Figaro précise que « l’architecture du projet Gaudin va bien au-delà des 1000 caméras de rue annoncées ». Précisément, le quotidien fait allusion à la possibilité par les policiers, « d’un simple clic », d’accéder aux images des 10 000 caméras de la SNCF et de la RATP comme à celles « des sociétés privées qui auront passé des conventions pour mettre leurs caméras à disposition de l’État ». Une « frénésie sécuritaire » que dénoncent avec véhémence, dans un communiqué à l’AFP du 15 décembre, les deux présidents du groupe Europe Écologie-Les verts (EELV) du Conseil de Paris, Sylvain Garel et Danielle Fournier : « Des policiers prennent le contrôle de 13 000 caméras nichées dans les rues, le métro, les gares, les commerces, les musées, les salles de spectacle. Big Brother tisse sa toile partout dans la capitale dans la plus grande opacité. » Une « frénésie sécuritaire » au prix délirant de 200 millions d’euros. « la préfecture de police versera un loyer annuel de 15,5 millions d’euros pendant quinze ans aux deux sociétés privées chargées de la vidéosurveillance. Au même prix, la Ville pourrait embaucher plusieurs centaines d’éducateurs spécialisés et de correspondants de nuit », s’indignent les Verts parisiens.
« Concevoir un tel projet, c’est comme imaginer un système d’armes », s’exclame ingénument Thierry Leblond, l’ingénieur général de l’armement qui supervise la création d’un logiciel spécial d’exploitation des images par les policiers. Enfin, toujours selon Le Figaro, « si tout se passe comme prévu, dès la fin de l’année 2011, la police aura des yeux partout, pour les besoins d’un service d’ordre ou d’une filature, pour vérifier une information ou mettre sous surveillance un secteur à risques. Et pas seulement les commissariats. Car les 400 kilomètres de fibre optique posés à compter de février pour relier ce réseau tentaculaire vont alimenter 55 sites dans la capitale ou sa périphérie, comme la DCRI, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), centre névralgique du contre-terrorisme et du contre-espionnage, la caserne de Champerret, siège de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, ou encore la salle de crise du ministre de l’Intérieur, dans les sous-sols de la Place Beauvau. »
Un outil inefficace mais très utile
Et à quoi va bien pouvoir servir ce barnum sécuritaire ? Sûrement pas comme le prétendent ses promoteurs à prévenir la criminalité et la délinquance. Le débat sur l’efficacité de la vidéo surveillance a été clos, en mai 2008, par le spécialiste des spécialistes en la matière, Mick Neville, l’inspecteur chef de Scottland Yard, responsable du bureau des images et de la détection visuelle, lorsqu’il a avoué sans détour que la vidéo surveillance était « un fiasco total » (an utter fiasco). Le même, dans un rapport interne, a précisé que la vidéo surveillance à Londres n’avait permis de résoudre qu’un délit par an par tranche de 1 000 caméras en 2008. Et de conclure que les citoyens, filmés plusieurs fois par jour, attendent de ce fait une efficacité qui est loin de celle réelle de la vidéo surveillance. Inefficacité qu’ils découvrent brutalement eux-mêmes quand ils deviennent des victimes d’un délit.
Par quel miracle, une ville comme Paris, avec ses 13 000 caméras, pourrait-elle mieux faire que Londres, la cité championne du monde de la vidéo surveillance avec ses 500 000 caméras (plus de 4 millions au Royaume-Uni) ? Ainsi mise à nue, la vidéo surveillance apparaît telle quelle en elle-même : un mirage de la pensée magique néolibérale, une escroquerie intellectuelle qui s’appuie sur le discours incantatoire de politiciens sans scrupules, un produit manufacturé vendu à une opinion conditionnée à se prosterner devant les gadgets technologiques.
Pour autant, la vidéo surveillance ne joue pas les premiers rôles de la pièce sécuritaire par hasard. Utile vidéo surveillance comme outil démagogique dont se servent des élus (comme Bertrand Delanoë) et des municipalités (comme Paris) pour racoler des électeurs en leur donnant le sentiment qu’ « on fait quelque chose pour leur sécurité ». Précieuse vidéo surveillance qui focalise sur la délinquance ordinaire et médiatique pour mieux masquer la quasi impunité dont bénéficie la délinquance financière, autrement plus considérable et nuisible à la société ; pratique aussi pour détourner les regards d’une criminalité largement impunie, notamment la violence que subissent les femmes et les enfants. Profitable vidéo surveillance pour un lobby sécuritaire qui s’engraisse sans vergogne avec l’argent des contribuables. Indispensable vidéo surveillance pour un pouvoir oligarchique qui a besoin pour survivre que le peuple retourne contre lui la violence qui lui est faite. Car, en dernière analyse, le but poursuivi à travers la vidéo surveillance, et plus généralement avec les politiques sécuritaires et les lois scélérates qui s’accumulent depuis dix ans, est d’inverser les valeurs. Ce qu’exprime le fameux sophisme : « La sécurité est la première des libertés ». Autrement dit : la condition de la liberté étant d’être surveillée et contrôlée, la société la plus libre est une société policière ! Ou mieux encore : plus la société est policière et plus la société est libre !
L’instrument idéal du délit de faciès
La vidéo surveillance porte atteinte aux libertés individuelles et à la présomption d’innocence. Ce que le CDL exprimait ainsi dans son texte fondateur : « L’enregistrement d’une image d’une personne sans son consentement est une atteinte à sa vie privée, protégée par la Déclaration européenne des Droits de l’Homme et par l’article 9 du code Civil. La vidéo surveillance permet à tout moment de suivre les allées et venues de chacun et peut être utilisée à des fins illégitimes. Grâce à elles, certaines entreprises surveillent les délégués syndicaux et le personnel, certains régimes autoritaires traquent leurs opposants politiques. On nous assène ce qui paraît le bons sens : pourquoi s’opposer à la vidéo surveillance si on n’a rien à se reprocher ? Mais un principe de justice élémentaire veut que toute personne soit considérée innocente jusqu’au jour où il est établi qu’elle est coupable. La vidéo surveillance inverse la situation : toute personne filmée devra prouver qu’elle n’est pas en cause. Tout le monde devient fautif ou suspect potentiel. »
Enfin, et ce ne pas le moins grave, comme le décrypte parfaitement Noé le blanc (« Télésurveillance », Revue du Mauss permanente, 14 décembre 2008), la vidéo surveillance est l’instrument par excellence du délit de faciès : « La vidéo surveillance opère donc en identifiant des catégories d’individus plutôt que des actes individuels. Le passage à la technologie numérique facilite plus encore le vidéo-stéréotypage, avec des procédés tels que la reconnaissance faciale. Le choix des catégories que les caméras repèrent dépend cependant des intérêts du groupe social qu’elle servent. Emmanuel Martinais et Christophe Bétin, chercheurs au CNRS, soulignent par exemple que la cinquantaine de caméras que compte la presqu’île de Lyon depuis 2001 sont l’instrument explicite d’une lutte des “commerçants et de certains résidents” contre une population “assez jeune”, “d’origine Nord-Africaine” et désignée comme “issue des quartiers dits sensibles”. Le “délinquant typique” que les caméras poursuivent de leur regard ressemble en tous points au “jeune des banlieues”, dont la présence est jugée nuire à l’attractivité des commerces. »
« L’extériorité normative est spontanément interprétée comme une extériorité spatiale : la “délinquance” est “importée”, car les “jeunes” sont forcément “des banlieues”. Or, en 1999, seuls 25% des délits enregistrés dans la presqu’île étaient attribuables à des personnes venues de banlieue lyonnaise. “Les comportements ne sont pas qualifiés de criminels en fonction de normes légales”, commentent Martinais et Bénin, mais en fonction du “désir de quelques-uns de renforcer leur domination sur un espace qui est censé appartenir à tout le monde.” Cette appropriation de l’espace suppose que certains soient considérés comme des intrus, à évincer, ou au moins à soumettre à un contrôle sévère. » Aussi le plan parisien de vidéo surveillance sonne-t-il comme un rappel à l’ordre aux habitants des banlieues, jeunes et basanés : Paris n’est pas pour eux ! Bertrand Delanoë et Christophe Caresche, adjoint au maire chargé de la sécurité et de la prévention, auront décidément bien mérité leur prix « Orwell localités » 2009 décerné par les Big Brother Awards pour leur soutien zélé au « plan 1 000 caméras ».
Comme le rappelle le CDL : « La vidéo surveillance participe à la destruction du lien social. C’est une réponse illusoire, tant au sentiment d’insécurité qu’à la question de « l’insécurité ». Elle est un renoncement à trouver des solutions utiles à long terme. On ne répond pas avec des machines au mal-être et à la souffrance des gens dus à l’insécurité sociale. »

De : Jean-Pierre Anselmeun article propulsé par TORAPAMAVOA :
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