La mairie d'Asnières donne des couleurs aux électeurs
Par Renaud LECADRE
QUOTIDIEN Libé : samedi 19 mai 2007
Un fichier électoral à caractère ethnique circule dans les couloirs de la justice française. Il s'agit d'un listing des 38 000 citoyens électeurs inscrits à Asnières (Hauts-de-Seine), rebidouillé sous forme de tableau Excel en vue de faire apparaître leur pays de naissance. Tout y passe : Chine, Thaïlande, Côte-d'Ivoire, Comores, et surtout un gros contingent d'originaires du Maghreb. Ce type de fichier, très pratique en période de campagne en vue de draguer différentes catégories d'électeurs, est évidemment illégal. Une copie a été remise le mois dernier à la BRDE (Brigade de répression de la délinquance économique), en charge de nombreuses enquêtes préliminaires tournant autour de la mairie d'Asnières. Son édile, Manuel Aeschlimann (UMP), pourrait être convoqué prochainement.
Asnières, ville profondément ancrée à droite, vit depuis une vingtaine d'années une succession de révolutions de palais au sein de la majorité municipale. La gauche se contente d'y faire de la figuration et de dénoncer les turpitudes locales, sans plus d'espoir électoral. Asnières la bourgeoise est aussi une ville cosmopolite, avec d'importantes minorités aussi intégrées que visibles.
Les détracteurs d'Aeschlimann, par ailleurs «conseiller pour l'opinion» du président de l'UMP Sarkozy, avant d'être appelé à de plus hautes fonctions , lui reprochent d'en avoir fait un laboratoire du communautariste. Sa propre épouse, Marie-Dominique Aeschlimann, non contente d'être maire adjoint, a été propulsée secrétaire nationale de l'UMP en charge des «ultramarins», y compris ceux qui vivent dans l'Hexagone.
Tout pourrait conduire à penser que le maire d'Asnières aurait vocation à être le commanditaire de ce fichier ethnique si ce n'était lui, des collaborateurs zélés. Mais l'animal politique s'en défend mordicus. «On ne pratique pas le tri ethnique à Asnières», proclame-t-il. Aeschlimann revendique fièrement sa politique communautaire : «La République n'oblige pas tout le monde à se fondre dans le même moule.» Mais le seul fichier dont il revendique la paternité est celui de son «conseil des communautés», organisme consultatif dont le listing des membres aurait été visé par la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Pour le reste, le député-maire UMP souligne que le fichier électoral de sa commune est un document public (2,75 euros la copie complète), manipulable par n'importe quel prétendant à la mairie. Seule certitude : Aeschlimann est large d'esprit. Son tract en vue des prochaines législatives porte la mention «Majorité présidentielle UMP-UDF», au grand dam des bayrouistes locaux qui crient à l'usurpation d'identité. L'ami Manuel s'en sort par une pirouette : «Je ne suis certes pas investi par l'UDF, mais comme l'UDF n'existe plus, tout le monde peut s'en revendiquer.»
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