PARIS (Reuters) - Un transfuge socialiste, des icônes de la France "métissée", un amoureux du ballon ovale : le gouvernement "Fillon II" est né mardi sous le signe sarkozyste de l'ouverture et de la diversité, avec Jean-Louis Borloo à l'Ecologie pour remplacer Alain Juppé.
Plus étoffé que prévu avec 33 membres, dont le Premier ministre François Fillon, le nouveau gouvernement intègre 13 nouveaux entrants, dont seulement quatre femmes, au détriment une nouvelle fois de l'impératif de parité. "Fillon II" compte au total onze femmes.
L'éphémère ministre de l'Agriculture Christine Lagarde, 51 ans, se voit toutefois promue au poste de ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi - une première pour une femme en France.
Cette ancienne avocate d'affaires succède à Jean-Louis Borloo, choisi pour résoudre le casse-tête Juppé après la démission du ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, battu dimanche au second tour des élections législatives dans sa ville de Bordeaux.
Un glissement contraint pour Jean-Louis Borloo, qui, même s'il accède au rang de ministre d'Etat à la tête d'un imposant "Medad" au périmètre inchangé, paie sous couvert de promotion sa maladresse médiatique sur la "TVA sociale", qui a joué dans le retournement de l'entre-deux-tours en faveur de la gauche.
Jean-Louis Borloo a affirmé lors de la passation de pouvoirs qu'il s'inscrirait "dans la continuité (...) de ce qu'a fait Alain Juppé intégralement".
La composition du gouvernement, qui jusqu'à la dernière minute a nécessité de délicats ajustements (François Fillon est resté mardi matin plus de deux heures à l'Elysée), réserve quelques surprises : la nomination de Fadela Amara, présidente de "Ni putes ni soumises", à la politique de la Ville et de Bernard Laporte, sélectionneur du XV de France, à la Jeunesse et aux Sports. Ce dernier prendra ses nouvelles fonctions fin octobre, à l'issue de la Coupe du monde de rugby.
Fadela Amara, d'origine kabyle, a prévenu qu'elle ne garderait pas "sa langue dans sa poche". "Je crois que pour beaucoup, à droite comme à gauche, je suis vécue comme étant une sorte de poil à gratter", a-t-elle dit sur France Info.
Lui aussi adepte du franc-parler, Bernard Laporte a assuré qu'il serait "au service de tous les sports français et pas spécialement du rugby", avec "beaucoup d'envie, de détermination et de passion".
Autre distinction médiatique après la désignation de Rachida Dati à la Justice le 18 mai : la nomination - attendue - de Rama Yade, 30 ans, étoile montante de l'UMP d'origine sénégalaise, au secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l'homme. Elle est la benjamine du gouvernement.
UN MIS EN EXAMEN AU GOUVERNEMENT
La stratégie d'ouverture à gauche de Nicolas Sarkozy, qui avait nommé quatre "transfuges" dans le premier gouvernement, se poursuit même si elle a été contrariée par le rebond du Parti socialiste au second tour des législatives.
Outre Fadela Amara, classée à gauche, le chef de l'Etat a gagné l'assentiment du sénateur-maire de Mulhouse Jean-Marie Bockel, qui hérite du secrétariat d'Etat à la Coopération et à la Francophonie auprès de Bernard Kouchner.
Sa nomination a été saluée par un tonnerre de critiques au Parti socialiste, dont il devrait être exclu. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée, a fait part de son "indignation" et de son "écoeurement".
Jean-Marie Bockel le "blairiste", qui aura 57 ans vendredi, a expliqué sa "rupture" à lui par sa lassitude face un parti rétif à la réforme. "Il y a un moment où on se dit 'est-ce qu'on va continuer comme ça très longtemps ?'" a-t-il dit sur RTL.
A la rupture, Nicolas Sarkozy a ajouté mardi un chapitre plus risqué : la remise en cause de la jurisprudence Bérégovoy-Balladur - non écrite - selon laquelle tout ministre mis en examen démissionne.
Dans la continuité de l'ouverture au centre, le chef de l'Etat a nommé en effet l'ex-UDF André Santini, député-maire d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), secrétaire d'Etat à la Fonction publique, malgré une mise en examen en 2006 pour "détournement de fonds publics, faux et prise illégale d'intérêt".
Une autre ex-UDF, la sénatrice Valérie Létard, fait son entrée dans les rangs gouvernementaux qu'Hervé Morin avait rejoints dès "Fillon I" à la Défense.
"C'est un gouvernement qui ressemble à la France", a estimé Luc Chatel, secrétaire d'Etat à la Consommation et au Tourisme, un représentant de l'aile libérale de l'UMP comme Hervé Novelli, secrétaire d'Etat aux Entreprises et au Commerce extérieur.
Un gouvernement qui récompense aussi quelques-uns des lieutenants de Nicolas Sarkozy, comme Alain Marleix (Anciens combattants) et Christian Estrosi (Outre-mer), qui laisse ainsi la voie libre à Jean-François Copé pour la présidence du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
Nicolas Sarkozy avait affirmé après son élection que la "fidélité" n'entrerait pas dans ses critères de sélection.
Seul nouveau ministre, à l'Agriculture, l'ancien titulaire des Affaires étrangères Michel Barnier, évincé après le "non" au référendum du 29 mai 2005, tient quant à lui sa revanche sur une "Chiraquie" qu'il jugea ingrate, à l'instar de François Fillon. Une "Chiraquie" qui a perdu son dernier représentant au gouvernement en la personne d'Alain Juppé.
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