23/06/2007

La polémique enfle sur la réforme judiciaire

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PARIS (Reuters) - Le projet gouvernemental de réforme de la carte judiciaire, qui suppose la suppression de très nombreuses juridictions, suscite un mouvement de grève qui fait tâche d'huile chez les avocats ainsi que des réticences des syndicats de magistrats.

En l'absence de la ministre de la Justice, Rachida Dati, son directeur de cabinet Michel Dobkine a reçu samedi en urgence plusieurs représentants des avocats et démenti l'intention qui lui était prêtée par le Figaro de fermer immédiatement quatre cours d'appel et dix tribunaux de grande instance.

"M. le directeur de cabinet, au nom de Mme le Garde des Sceaux, dément formellement les informations parues dans la presse, selon lesquelles existerait un schéma préétabli de réforme de la carte judiciaire. Il a confirmé qu'aucun schéma de réorganisation des juridictions ne sera arrêté avant que la concertation n'ait été menée", dit le communiqué.

Il annonce une "réflexion conduite dans le cadre d'un comité consultatif" et des consultations locales. Alors que Rachida Dati déclarait vendredi que les premières décisions seraient prises début 2008, aucune date n'est fournie dans le communiqué de son cabinet.

Selon le Figaro, le ministère envisagerait de supprimer les cours d'appel de Metz, Bourges, Agen et Nîmes. Le sort de celles de Pau et Grenoble, qui pourrait être fondues dans celles de Bordeaux et Lyon, est en suspens, ajoute le quotidien.

Les tribunaux de grande instance de Belley, Dinan, Mende, Millau ou Riom et peut-être Libourne, Bergerac, Thionville, Péronne ou Alès ne devraient pas survivre, poursuit Le Figaro.

Avant même cette annonce, plusieurs ordres d'avocats, comme à Metz et Agen se sont mis en grève cette semaine et ont cadenassé des tribunaux en Moselle (Metz), ainsi que dans le Lot-et-Garonne, l'Indre et l'Allier. Le barreau de Pau a annoncé samedi une grève à partir de lundi, pour toute la semaine.

PROBLÈME DE BUDGET ET DE FONCTIONNEMENT

Une réunion est programmée mercredi au ministère avec l'ensemble des syndicats du monde judiciaire.

Michel Dobkine a reçu samedi place Vendôme les bâtonniers d'Agen, Marmande, Alès, Briey, Bourges, Châteauroux, Vichy, Moulins et Montluçon, accompagnés du président de la Conférence des bâtonniers, et les a appelés "à l'apaisement, à la concertation et à un dialogue constructif".

Le principe général de réforme de la carte judiciaire serait de garder une cour d'appel par région et un tribunal de grande instance par département.

La France disposant actuellement de 35 cours d'appel et 181 TGI, la réforme dans son ensemble supposerait donc mathématiquement la suppression d'environ un tribunal sur deux et d'une douzaine de cours d'appel.

La refonte de la carte judiciaire, inchangée depuis 1958, a été souvent envisagée mais toujours repoussée en raison de résistances des professions de justice et des élus locaux.

Elle pose aussi un important problème de financement, qui n'a pas été détaillé par le gouvernement. Les bâtiments abandonnés devraient en effet être entretenus, tandis que la modification des nouvelles juridictions centrales supposerait des années de chantiers très coûteux et une modernisation.

Le budget de la justice française pour 2007, qui inclut celui des 188 prisons, elles-mêmes engorgées et vétustes, est un des plus faibles de l'Europe des 27 avec moins de sept milliards d'euros, soit 2,34% du budget de l'Etat.

L'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) ne se dit pas opposé sur le principe de la réforme de la carte judiciaire mais souligne qu'à ses yeux, c'est le rétablissement d'un fonctionnement matériel normal qui est prioritaire.

"On est en-dessous du seuil de pauvreté", a dit samedi à Reuters Bruno Thouzellier, son président. Le syndicat réclame que les centaines de postes manquants dans les greffes soient pourvus, afin que les jugements puissent être appliqués.

Sur le plan national, environ un tiers des peines pénales ne sont jamais appliquées faute de moyens. Certains tribunaux ont plusieurs années de retard de saisie des jugements.

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