PARIS (AFP) - Eclipsé par un Nicolas Sarkozy omniprésent et hyperactif, le Premier ministre François Fillon doit réinventer son rôle de chef du gouvernement et de la majorité.
Si le secrétaire général délégué de l'UMP Patrick Devedjian saluait mardi l'efficacité d'un "duo qui marche à merveille", certains décrivent à l'inverse un affaiblissement du rôle de Matignon.
"Le chef de l'Etat n'a pas à décider de tout, discuter de tout, commenter tout, concentrer tout (...) il y a peut-être un Premier ministre aussi", a ainsi ironisé le patron du PS François Hollande.
"L'évolution est surtout dans la communication", juge-t-on dans l'entourage de François Fillon: "Le rôle du président a toujours existé. La personnalité du président Sarkozy fait que cela se passe plus ouvertement".
Matignon se félicite aussi de "l'engagement du président pour soutenir son gouvernement", ce qu'illustrerait l'implication de Nicolas Sarkozy dans la délicate réforme des universités. "Rien ne se fait chacun de son côté", souligne-t-on encore.
M. Fillon avait lui-même exposé en 2006 sa conception d'un Premier ministre en parfaite identité de vues avec l'Elysée, le président s'engageant en première ligne de l'action politique.
C'est de cette relation proche que le gouvernement tient sa capacité de réformer, expliquait-il en substance dans son livre "La France peut supporter la vérité".
"Il a certes théorisé cette présidentialisation du régime", note le politologue Dominique Reynié, "mais le fait de l'expérimenter, ce n'est pas la même chose. Quand on est au pouvoir, on a envie de l'exercer".
Depuis sa nomination, François Fillon a en tous cas assumé crânement sa "ligne directe" avec Nicolas Sarkozy. "Le patron" occupe l'Elysée, "le copilote" tient Matignon. C'est la fin de "l'Etat à deux têtes", résumait-il fin mai.
D'après son prédécesseur Jean-Pierre Raffarin, François Fillon "va progressivement monter en ligne" avec "l'entrée en lice du Parlement": "On va voir le temps de Matignon s'affirmer après le temps de l'Elysée".
M. Devedjian assure qu'il reste "plein de choses" au Premier ministre: "la mise en oeuvre, tout le détail de la mise en oeuvre, toute la complexité de la mise en oeuvre, ce n'est pas rien".
Dominique Reynié décrit en revanche cette mission comme relevant d'une "fonction administrative de coordination du travail gouvernemental sous contrôle parlementaire". Selon lui, le quinquennat, l'inversion du calendrier électoral, la conception du pouvoir et la personnalité de Nicolas Sarkozy "travaillent à l'extinction progressive du poste de Premier ministre".
En revanche, tempère-t-il, François Fillon pourra en cas de difficultés "reconstruire la fonction de garde du corps, de paratonnerre" du président.
"Il n'est pas anormal que le président soit à la fois chef d'Etat et chef de gouvernement", expose à l'AFP l'ancien ministre socialiste Jack Lang, qui souhaite toutefois que cette évolution s'accompagne d'un renforcement du rôle du Parlement.
Reste la direction de la majorité, traditionnellement dévolue au Premier ministre.
M. Fillon avait pris en main la campagne des législatives, attaquant sans répit la gauche. Le résultat mitigé du second tour a nui à son autorité sur la droite, d'autant plus qu'il a été rendu responsable en partie du ressac de l'UMP par ses déclarations sur une possible hausse de 5 points de la TVA.
Par Frédéric DUMOULIN et Christophe SCHMIDT
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