La construction de mosquées bute sur l'interprétation de la loi
Par Chantal VALLETTE
PARIS (AFP) - Le chantier de la mosquée de Montreuil (Seine-Saint-Denis) va prendre du retard, comme celui de Marseille et pour la même raison, le tribunal administratif ayant assimilé à une subvention le faible loyer (1 euro) demandé en contrepartie de la location du terrain.
Dans les deux cas, les plaignants ont invoqué l'article 2 de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat: "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte".
Voire. Depuis 1905, des centaines d'églises, temples, synagogues, mosquées ont été construits en France, grâce aux baux emphytéotiques (de très longue durée) accordés par les communes. "A Montreuil, on bute sur l'euro symbolique alors que dans les années 30 on a accordé des baux emphytéotiques à l'Eglise catholique en Ile-de-France pour 1.000 francs, l'équivalent de 1,50 euro!", soulignait lundi soir Didier Leschi, directeur du bureau des cultes au ministère de l'Intérieur.
Pour lui, "la question de fond c'est qu'il y a deux poids deux mesures: actuellement les baux emphytéotiques ne sont remis en cause que lorsqu'ils concernent des mosquées".
En 2004 dans son rapport sur la laïcité, le Conseil d'Etat n'a pas remis en cause les baux emphytéotiques et le code de la propriété publique a été modifié par une ordonnance du 21 avril 2006 détaillant les possibles bénéficiaires. "Remettre ces baux en cause est une "interprétation restrictive de la loi", argumente Didier Leschi. "L'application du droit sans conscience n'est que ruine de l'âme", s'amuse-t-il.
Lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat, celui-ci est devenu propriétaire des édifices cultuels existants. Le problème de la construction de lieux de culte se pose donc surtout pour les religions peu ou pas implantées en France en 1905, comme l'islam et les évangéliques.
Les projets ne manquent pas mais la réalisation est souvent contrariée, officiellement au nom du principe de laïcité ou de la rigueur budgétaire.
A Marseille, le projet a été retoqué et sera à nouveau examiné en juillet. A Bordeaux, il y a un litige sur le prix du terrain que doit acheter la mairie pour le louer à l'association musulmane...
A Créteil, la communauté a payé la mosquée et la municipalité a subventionné la partie culturelle attenante. A Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis), le projet a finalement vu le jour après trois ans de discussions concernant le terrain à bâtir. A Perpignan en revanche, tout s'est passé sans problème et, le jour de l'inauguration, le maire Jean-Pierre Alduy voyait dans ce projet une illustration de "la laïcité ouverte", dans le "strict respect de l'esprit de la loi de 1905".
Autrement dit, la loi de 1905 n'interdit rien. Nicolas Sarkozy, alors candidat, disait en avril qu'"il n'y a aucune raison pour qu'une religion ne puisse pas vivre son son culte tranquillement".
Quand il était ministre de l'Intérieur, il avait demandé au professeur Jean-Pierre Machelon d'étudier un toilettage de la loi de 1905. Celui-ci avait notamment proposé d'autoriser les communes à financer ouvertement les lieux de culte. Le rapport a été remis en septembre 2006 et n'a eu jusqu'ici aucune suite.
L'islam est la deuxième religion de France avec environ 4 millions de musulmans. En 2005, ils disposaient de quelque 1.500 mosquées ou lieux de culte, alors que chaque village compte une église catholique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire