LE MONDE | 13.06.07 | 14h14 • Mis à jour le 13.06.07 | 14h14
Rattaché depuis 1952, année de sa création, au ministère des affaires étrangères (MAE), l'Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra) pourrait passer sous la tutelle du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. A la tête de ce ministère, Brice Hortefeux a déjà, à travers son décret d'attribution, récupéré l'initiative politique en matière d'asile, mais le gouvernement entend bien entériner cette volonté politique avec la nouvelle loi sur l'immigration que le président Nicolas Sarkozy et son gouvernement entendent faire adopter très vite, cet été, lors de la session extraordinaire.
Cette opération n'est pas sans inquiéter les acteurs du droit d'asile. La direction de l'Ofpra ne souhaite pas pour l'heure s'exprimer sur le sujet, se contentant de souligner l'attentisme des agents "tant que l'exercice de leur mission reste dans le même contexte". Redoutant "une perte d'autonomie et d'indépendance", le syndicat ASYL, l'un des deux syndicats, avec la CGT, représentés dans les instances paritaires de l'Office, a toutefois adressé le 1er juin un courrier à Nicolas Sarkozy et au ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner pour leur faire part de craintes que "le changement de tutelle ne crée confusion et amalgame entre deux notions fondamentalement différentes que sont l'asile et l'immigration".
GESTION FINE
La tutelle de l'Ofra ne signifie pas avoir l'autorité d'exécution, puisque l'Office est et restera un établissement public indépendant, comme on s'attache prudemment à le rappeler dans l'entourage de M. Hortefeux. Mais le ministre de l'immigration aura désormais une autorité d'orientation sur l'Office, ce qui, aux yeux des acteurs de l'asile, n'est pas neutre.
Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, M. Sarkozy avait déjà tenté de récupérer cette tutelle. Mais il avait dû y renoncer, se heurtant à la vive opposition du ministre des affaires étrangères d'alors, Dominique de Villepin. Dans le cadre de la loi du 10 décembre 2003, réformant le droit d'asile, il avait néanmoins obtenu que soit créée au sein de l'Office une "mission de liaison avec le ministère de l'intérieur" et que le directeur général de l'Ofpra soit désormais nommé sur proposition conjointe des ministres des affaires étrangères et de l'intérieur. Le président de la République a toujours considéré qu'une gestion fine de l'asile permettait de contenir l'immigration illégale, assimilant les demandeurs d'asile comme le regroupement familial à une "immigration subie".
"Assujettir la question de la protection des réfugiés à celle du droit au séjour est en contradiction avec la philosophie et l'application pleine et entière de la Convention de Genève de 1951", dénonçait déjà en 2003 la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA), qui regroupe une vingtaine d'associations. "Le rattachement de l'OFPRA au MAE répond à l'esprit de la convention de Genève. L'asile relève en effet d'une problématique de relations internationales. Dès lors l'appréciation de la situation du demandeur mérite d'être faite en lien avec l'administration qui a les contacts avec l'extérieur", rappelle encore aujourd'hui Claire Rodier du Gisti. Or, avec le changement de tutelle, "on assiste à une dilution évidente et intentionnelle de l'asile dans la question du contrôle des flux migratoires, et à une perte de la spécificité du droit d'asile qui ne peut relever de quotas", poursuit Anne Castagnos-Sen de l'association Primo-Lévi, auteur du rapport sur "les conditions d'exercice du droit d'asile en France" présenté en décembre 2006 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (Le Monde du 22 décembre 2006). Tous notent d'ailleurs que l'asile ne figure pas dans l'intitulé du ministère.
Laetitia Van Eeckhout
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